La liberté d'aller et venir (+ les actes dits de gouvernement + la boîte à outils totalitaire) 195

"Mais Dieu se rit des prières qu'on lui fait pour détourner les malheurs publics, quand on ne s'oppose pas à ce qui se fait pour les attirer. Que dis-je? quand on l'approuve et qu'on y souscrit, quoique ce soit avec répugnance." Jacques-Bénigne Bossuet (1627-1704), Livre IV, N.III
(On note que l'habituelle citation apocryphe de Bossuet, très envahissante, ne fait plus aucune référence aux "malheurs public", ce qui lui ôte opportunément tout caractère offensif pour le pouvoir. Un hasard...)

PROLOGUE

À notre époque marquée par la tentative totalitaire débutée ouvertement par le coup d'Etat du 16 mars 2020 (voir l'illégalité du covidisme à notre article n°116), la liberté d'aller et venir est régulièrement la cible d'attaques du pouvoir. L'organisation des Jeux Olympiques dans la capitale est l'alibi trouvé pour réintroduire dans une version plus sophistiquée (usage unique) les QR codes utilisés pour les récents pass sanitaires et l'on comprend que l'exigence de ces laissez-passer a vocation à se multiplier pour divers prétextes, notamment celui de l'imposture climatique. Nous pensons bien sûr aux projets de mise en place des « villes 15 minutes » dites aussi smart-cities réglementant les déplacements comme la ville d'Oxford en a eu la triste primeur. Plus simplement, le montagnard rencontre régulièrement des restrictions à sa liberté d'aller et venir par divers arrêtés municipaux dont la légalité est souvent douteuse, le maire de Saint-Gervais notamment tentant en la matière de se surpasser chaque année.

Qu'en est-il alors de notre liberté d'aller et venir? Est-elle bien réelle et comment la défendre? Sera-t-on conduit à vietnamiser le dossier en faisant appel à notre droit fondamental de résistance à l'oppression faute de recours efficace quand elle est durablement bafouée?

L'inconstitutionnel article 1 du décret "collector" du 16 mars 2020, sur la base de la théorie prétorienne des circonstances exceptionnelles, c'est-à-dire sans base légale

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1. HIERARCHIE DES NORMES - CONFLIT DE COMPETENCE

Le droit français est organisé selon une hiérarchie des normes, les normes supérieures s'imposant aux normes inférieures. Nous trouvons de haut en bas :

- la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 visée par le Préambule de la Constitution et garantie comme droit positif de valeur constitutionnelle depuis la décision du Conseil constitutionnel n°73-51DC du 27 décembre 1973 ;

- la Constitution ;

- les lois ;

- les règlements (décrets et arrêtés).


La Déclaration de 1789 dit dans son Article II :

« Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l'homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté, et la résistance à l'oppression. »

La liberté d'aller et venir est invariablement considérée comme comprise dans ce mot de « liberté », donc représente bien une liberté fondamentale, confirmée notamment par la jurisprudence « Ponts à péage » du Conseil constitutionnel (décision n°79-107DC du 12 juillet 1979).


Par ailleurs, la Constitution de 1958, actuellement en vigueur, prévoit par son article 66 (présenté en deux alinéas) :

« Nul ne peut être arbitrairement détenu.

L'autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, assure le respect de ce principe dans les conditions prévues par la loi. »

Cet article 66 exige donc que le juge judiciaire exerce le contrôle des restrictions de liberté individuelle, et que toute loi restreignant cette liberté individuelle doit prévoir les conditions dans lesquelles ce contrôle s'exerce. C'est la raison pour laquelle le professeur de droit Paul Cassia avait saisi le Conseil d'Etat en annulation pour excès de pouvoir lors de l'enfermement à domicile de tous les Français lors des « confinements » prétendument sanitaires, car la loi du 23 mars 2020 ne prévoyait pas ce contrôle par le juge judiciaire et était donc inconstitutionnelle.

Paul Cassia fut débouté (décision du 22 juillet 2020) au motif que « le Conseil d'Etat a considéré que l'article 66 de la Constitution ne donne un monopole de compétence à la juridiction judiciaire que pour des actes individuels et non réglementaires privatifs de la liberté d'aller et venir. » (Paul Cassia)

Il s'agissait pour le Conseil d'Etat de restreindre le contrôle du juge judiciaire, selon une jurisprudence récente (2013, 2017, 2018) et critiquée du Tribunal des conflits, lequel est un tribunal paritaire entre des membres de la Cour de cassation et des membres du Conseil d'Etat pour juger des conflits de compétence entre juge judiciaire et juge administratif.

Traditionnellement, les questions de libertés individuelles et de propriété privée étaient du ressort du juge judiciaire. Par plusieurs décisions du Tribunal des conflits en 2013, la compétence du juge judiciaire fut considérablement réduite, notamment en matière de voie de fait administrative : « La voie de fait ne concerne aujourd'hui que les atteintes à la seule liberté individuelle et non plus à l'encontre des libertés fondamentales. » Droit Public, Dubouis, Négrin et Peiser, édition Dalloz, 2017.

Dans sa décision « Bergoend » du 17 juin 2017 (n°C3911), le Tribunal des conflits persista dans sa restriction du champ d'application de la voie de fait administrative.

Dans sa décision du 12 février 2018,le Tribunal des Conflits insista en disant que : « si (…) la police des frontière est susceptible d'avoir porté atteinte à la liberté d'aller et venir de l'intéressé, cette liberté n'entre pas dans le champ de la liberté individuelle au sens de l'article 66 de la Constitution, de sorte qu'une telle atteinte n'est pas susceptible de caractériser une voie de fait ; que dès lors les conclusions (…) relèvent de la compétence de la juridiction administrative. »

Se pose alors pour le citoyen la question de l'indépendance du juge administratif, qui, on l'a déjà ici évoqué, traîne un lourd passif hérité de l'histoire.

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2. LE POIDS DE L'HISTOIRE

Le 24 mars 1790, quatre années avant de passer sous le couperet de la Révolution, Jacques-Guillaume Thouret (1746-1794) expliqua à l'Assemblée constituante combien il était nécessaire de protéger la nouvelle œuvre législative de la puissance des Parlements. La loi établissant la séparation du droit administratif du droit commun est votée le 16 août et promulguée le 24.

Cette crainte de voir défaire les acquis de la Révolution par les juges tout puissants de l'Ancien Régime – exhumation aujourd'hui simulée par les totalitaires avec cette prétendue crainte du « gouvernement des juges » - ne faisait en réalité que reprendre l'hubris de l'Edit de Saint-Germain de février 1641, quand, quelques mois avant sa mort, Richelieu consacrait l'absolutisme dont allait bientôt profiter le jeune roi soleil alors âgé de trois ans, en interdisant aux juges de s'occuper d'autres affaires que de rendre justice aux sujets de sa Majesté, rendant nulle toute décision mettant en cause l'administration, la loi et la conduite de l'Etat. En reprenant cette conception du pouvoir politique, les révolutionnaires manquaient en vérité le but d'organiser notre société autour de nos libertés puisqu'ils ne faisaient que passer d'un excès de pouvoir à un autre, seuls les acteurs ayant changé. On troquait finalement l'absolutisme royal contre la terreur révolutionnaire comme la Russie bolchévique chasserait l'absolutisme du tsar pour s'offrir à la "dictature du prolétariat". Les tyrans changent, la tyrannie demeure. Si la loi du 24 août prévoit par son article 13 que « les fonctions judiciaires sont distinctes et demeureront toujours séparées des fonctions administratives », la loi est muette concernant les litiges des décisions administratives : Sous la Révolution, l'administration se juge elle-même.

Sous le Consulat (novembre 1799 à mai 1804), issu du coup d'Etat du 18 Brumaire mettant un terme au Directoire, furent créés les organes devant rendre les jugements administratifs :

- conseils de préfecture, qui seront transformés en tribunaux administratifs en 1953, à l'étendue de compétence et à l'indépendance restreintes ;

- Conseil d'Etat, à la fois conseiller juridique du gouvernement et service contentieux recueillant les plaintes de la population mais sans pouvoir de décision, lequel revient au chef de l'Etat.

Par la loi du 24 mai 1872, le Conseil d'Etat se voit « déléguer » par la jeune IIIe République la justice administrative, prenant ses décisions au nom du peuple français mais restant très étroitement lié au pouvoir politique. Il restera sous la présidence théorique du Premier ministre jusqu'en 2001.

Ce n'est qu'en décembre 1987 que François Mitterrand, devant la saturation du contentieux administratif, favorise la création des cours d'appel administratives.

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Les avancées récentes qui comptent sont au nombre de deux:

1/ La loi n°2000-597 du 30 juin 2000 crée la procédure du référé-liberté qui est une procédure d'urgence (le juge des référés se prononce en 48 heures) permettant de mettre fin à une mesure administrative violant gravement une liberté fondamentale. (devenu article L.521-2 du Code de justice administrative).

2/ La révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, créant l'article 61-1 et modifiant l'article 62 de la Constitution, puis la loi organique n°2009-1523 du 10 décembre 2009 (entrée en vigueur le 1er mars 2010), créent la Question Prioritaire de Constitutionnalité (QPC), avec un malencontreux filtrage préalable du Conseil d'Etat avant transmission au Conseil constitutionnel.

Ces deux dernières procédures, dépendant du juge administratif, sont aujourd'hui les deux moyens de choix pour faire valoir sa liberté d'aller et venir, le référé-liberté nécessitant de prouver l'urgence à agir.

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3. RESTRICTIONS DE LA LIBERTE D'ALLER ET VENIR

Dans quelles circonstances la loi ou le règlement peuvent-ils restreindre la liberté d'aller et venir ?

L'autorité publique, Etat ou collectivités territoriales (préfet sur son département, maire sur sa commune), a obligation de faire usage de ses pouvoirs de police pour assurer la sécurité des personnes, la salubrité et la tranquillité publique, par des mesures de prévention des accidents.

Cette obligation de prévention des accidents concerne, selon la jurisprudence constante, "les dangers excédant ceux contre lesquels les intéressés doivent personnellement, par leur prudence, se prémunir" (CE 14 oct. 1977, commune de Catus, Lebon T.731, req. n°01404), c'est-à-dire concerne les seuls dangers exceptionnels, compte tenu de l'usage habituel des lieux (haute-montagne différente par exemple d'un jardin public). L'objectif poursuivi par le droit n'est donc pas d'infantiliser ou materner la population pour la protéger des multiples dangers ordinaires de la vie dont le citoyen doit faire son affaire personnelle.

Cette prise en compte de la variabilité des dangers habituels en fonction des milieux rencontrés a fait l'objet de la création en 2006 de l'article L.365-1 du Code de l'environnement, puis de la création en 2022 de l'article L.311-1-1 du Code du sport, l'ensemble de ce dispositif ayant été vendu aux pratiquants comme la « loi falaise », dont le but était de moduler la responsabilité du fait des choses (qui est une responsabilité civile et non pénale, c'est-à-dire qui conduit à l'indemnisation d'une victime d'accident et non à la punition d'un coupable, cf. notre manuel à la page 240) qui devenait un obstacle à la pérennité des sites d'escalade, notamment depuis le fameux accident de Vingrau d'avril 2010 (voir notre article n°40), en raison du coût élevé des dommages-intérêts potentiels (1,2 millions d'euros en l'espèce pour le jugement du TGI de Toulouse du 14 avril 2016).



Ces mesures de police administrative (visant à assurer l'ordre public par la voie préventive, au contraire de la police judiciaire agissant par la voie répressive) ont pour obligations d'être adaptées, nécessaires et proportionnées :

- Adaptées signifie permettant d'atteindre l'objectif d'intérêt général visé, à savoir assurer l'ordre public.

- Nécessaires signifie la façon la moins attentatoire aux libertés pour atteindre l'objectif.

- Proportionnées signifie ne créant pas des charges excessives par rapport à l'enjeu, c'est-à-dire au risque. Notamment est prise en compte la limitation dans le temps et l'espace des mesures.

La carence de l'autorité de police administrative (comme une absence de signalisation d'un danger exceptionnel) est le plus souvent jugée, en cas de dommage, comme une faute simple, pouvant mettre en cause la responsabilité civile (de la commune par exemple). Mais depuis la loi Fauchon (loi n°2000-647 du 10 juillet 2000) qui a mis fin au principe prétorien d'unité des fautes pénale et civile et qui a allégé la responsabilité pénale par lien de causalité indirect (celle des "décideurs" non présents sur les lieux), une faute simple est insuffisante pour mettre en cause cette responsabilité pénale indirecte (voir notre manuel pages 237, 238 et 244, 245). Ne pèse donc sur le détenteur de l'autorité de police administrative qu'un enjeu pécunier faisant intervenir le versements de dommages-intérêts (par l'assureur en responsabilité civile de la commune par exemple). Il n'a donc plus aucune raison de chercher à se couvrir par des mesures excessives privatives de libertés qui seraient illégales car non nécessaires.

On voit que la plupart du temps, la signalisation du danger exceptionnel remplit l'ensemble des exigences requises.

Un danger grave et imminent réclamant une intervention urgente peut parfois nécessiter des restrictions de certaines libertés. Il s'agit, par exemple pour un maire, de « prévenir par des précautions convenables (...) les accidents de toute nature » comme l'exige le Code général des collectivités territoriales (5° de l'Article L.2212-2)Une restriction de la liberté d'aller et venir dans l'urgence peut alors faire partie des « précautions convenables », à la condition qu'elle soit circonscrite dans le temps et l'espace. Une restriction de la liberté d'aller et venir qui s'installerait dans la durée se heurterait en revanche à l'obligation de nécessité. C'est la raison principale pour laquelle les divers états d'urgence de ces dernières années, sécuritaire ou sanitaire, n'ont pu tenir dans la durée, ce qu'avaient prévu plusieurs juristes. Leur simple prolongation les rendaient inconstitutionnels, car par définition, il n'existe pas d'urgence qui dure.


Une urgence, soit est résolue, soit se déclare. Une prétendue urgence qui dure s'appelle un risque permanent auquel il faut faire face sans attenter aux libertés fondamentales.

Concernant notre activité d'escalade, le triple arsenal juridique que représentent aujourd'hui la loi Fauchon, l'article L365-1 du Code de l'environnement et l'article L311-1-1 du Code du sport, doit faire considérer les arrêtés d'interdiction de sites d'escalade qui durent comme illégaux. Pour faire cesser cette illégalité, le citoyen dispose aujourd'hui de la procédure du référé-liberté.

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4. LE REFERE-LIBERTE

Le référé-liberté est aujourd'hui devenu la voie de droit classique pour faire valoir une liberté fondamentale comme la liberté d'aller et venir. Il a été créé par la loi n°2000-597 du 30 juin 2000 relative au référé devant les juridictions administratives. On trouve le chapitre consacré au référé administratif à ce lien.

L'article L521-1 est le référé-suspension, qui s'applique quand il existe un doute sérieux quant à la légalité d'un décision administrative. L'article L521-2 est le référé-liberté, qui permet la sauvegarde d'une liberté fondamentale comme la liberté d'aller et venir:



Les pouvoirs publics encouragent son utilisation, notamment par l'existence d'une procédure par internet et par le fait que les services d'un avocat ne soient pas exigés.

Il existe 3 prérequis pour entamer cette procédure:

1- Justifier de l'urgence à agir. Par exemple, un guide de haute-montagne va voir sa saison d'alpinisme compromise par l'interdiction d'accès au sommet de la moraine soutenant le refuge de la Pilatte, laquelle interdit de fait l'accès à de nombreuses courses classiques (VN du Gioberney, VN et pilier nord-est des Bans, col du Sélé, VN de la Pointe de la Pilatte, VN des Bœufs Rouges, etc.).

2- Montrer qu'une liberté fondamentale est en cause. Il suffit en l'espèce de fournir l'arrêté d'interdiction d'accès.

3- Montrer que l'atteinte portée à cette liberté est grave et manifestement illégale. Dans notre exemple, le nombre de courses devenues impossibles, l'étendue du secteur de haute-montagne privé d'accès naturel et surtout le fait que l'arrêté d'interdiction s'installe dans la durée et ne peut donc plus être considéré comme une mesure d'urgence destinée à prévenir un risque imminent, tout comme la particularité du milieu naturel (L365-1 du Code de l'environnement) et celle des usagers (L311-1-1 du Code du sport) sont amplement suffisants pour en faire la démonstration. Il est aisé de montrer que la signalisation du danger par 3 panneaux (en haut de la moraine, en fin de descente de la VN du Gioberney et en haut des échelles du glacier de la Pilatte) suffisent à remplir les obligations de sécurité de l'autorité de police administrative sans attenter à une liberté fondamentale.

Pour lancer une procédure en ligne, préparez vos différentes pièces en format pdf puis cliquez sur l'image suivante:


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5. AMELIORATIONS SOUHAITEES PAR LES JURISTES

La pratique a malheureusement montré ces dernières années à l'occasion de l'imposture sanitaire qu'il n'était pas si facile de protéger nos libertés fondamentales. Plusieurs juristes ont dénoncé le manque d'indépendance du juge administratif, notamment de sa juridiction suprême, le Conseil d'Etat, toujours étroitement lié au pouvoir politique. Quand il n'existe pas de présomption d'urgence en contentieux de référé, il faut se tourner vers le Conseil constitutionnel. Les juristes le font à l'occasion d'une procédure judiciaire par une QPC (procédure du tiers intéressé), ou bien à l'occasion d'une saisie du Conseil Constitutionnel (à l'initiative du Président de la République, du Premier ministre, des présidents du Sénat ou de l'Assemblée, de 60 députés ou de 60 sénateurs) par une Contribution Extérieure dite "porte étroite" selon l'expression du professeur de droit public Georges Vedel (1910-2002). Ces contributions extérieures sont désormais rendues publiques (depuis février 2017) sur le site du Conseil constitutionnel mais celui-ci n'est toujours pas tenu de les examiner ni d'y répondre.

Afin d'améliorer l'indépendance du juge administratif, le Syndicat de la Juridiction Administrative (SJA) a formulé un certain nombre de propositions qu'on peut trouver ici.

Quant au rôle du Conseil constitutionnel, on pourra lire ici (texte de Robert Badinter d'août 2009) sa conception sui generis et sa transformation souhaitable en Cour constitutionnelle indépendante.

On lira ici une large perspective sur l'avenir du Conseil constitutionnel donnée par Thomas Hochmann en 2019.

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Enfin, le meilleur pour la fin, l'article de référence sur le sujet par Patrick Wachsmann: Sur la composition du Conseil constitutionnel, publié sur Jus Politicum, n°5, 2010.

L'article de Patrick Wachsmann pose dès l'introduction le lourd héritage jacobin qui pèse sur nos institutions et par là sur nos libertés: "La rupture était nette par rapport à la tradition républicaine française, fondée sur le refus d'admettre qu'un organe quelconque puisse faire obstacle, fût-ce au nom de la Constitution, à la libre volonté des représentants élus du peuple."

Nous touchons ici au cœur de l'actuel débat sur le supposé "gouvernement des juges" agité comme un épouvantail par les totalitaires. La théorie voudrait en effet, dans la continuité des lois de combat que furent les lois révolutionnaires, que le peuple souverain ne puisse voir défaire son œuvre juridique par les juges et puisse organiser la société comme il l'entend. Les contempteurs du "gouvernement par les juges" se drapent ainsi en défendeurs de la souveraineté populaire, voire des libertés individuelles. Ceci s'entendrait si les représentants du peuple poursuivaient les aspirations profondes de la population et se conformaient à la "politique du suffrage universel" chère à Léon Gambetta: mettre en actes politiques concrets les aspirations profondes de la population.

Malheureusement, nous savons qu'il n'en est rien, particulièrement depuis ces dernières années d'imposture sanitaire. Les supposés représentants du peuple sont surtout les représentants des puissants qui sont leurs commanditaires et dont ils sont les soumises créatures, de sorte qu'il est déraisonnable d'amoindrir la séparation des pouvoirs politique et judiciaire au prétexte d'une souveraineté populaire qui n'existe que théoriquement mais se trouve détruite par la corruption généralisée du monde politique. Il est dans ces conditions essentiel de combattre les totalitaires qui prétendent lutter contre le "gouvernement des juges" pour accroître leur propre pouvoir et qui commencent même à parler de mandat impératif (actuellement rigoureusement interdit pour garantir l'indépendance de l'élu) pour obtenir des parlementaires à leur botte.

L'idéal serait bien sûr que le peuple souverain, aujourd'hui beaucoup plus instruit que jadis bien que souvent manipulé, et bénéficiant d'un outil informatique puissant, vote enfin lui-même ses lois, article par article, amendement par amendement, les parlementaires n'ayant plus qu'un rôle de présentation des enjeux et de rédaction des textes, dont la décision finale reviendrait au citoyen lui-même. C'est ce que Monsieur Chouard, par ailleurs douteux dans ses alliances, a déjà proposé à la manière de la votation suisse.

Enfin, la théorie des actes de gouvernement, datant du règne de l'orgueilleux Louis XVIII avec "l'arrêt" Laffitte du 1er mai 1822, par laquelle le juge administratif s'interdit de contrôler les actes politiques du gouvernement est d'un autre âge et nuisible à nos libertés. On rappelle que trois ans plus tard, certes sous le nouveau règne du petit frère qui osa se faire sacrer à Reims le mois suivant, le crime de sacrilège, puni de mort avec repentir public préalable, était rétabli (20 avril 1825)...

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6. THEORIE DES ACTES DE GOUVERNEMENT

Nous débordons ici bien sûr largement le sujet initial de la liberté d'aller et venir. Ebauchée par l'arrêt Laffite de 1822 (terme impropre car le Conseil d'Etat rend des décisions et non des arrêts, mais largement repris), la théorie des actes de gouvernement, à l'instar de la théorie des circonstances exceptionnelles qui a permis le coup d'Etat du 16 mars 2020 (puis de spolier le petit épargnant en ne respectant pas les règles fixant le taux servi par le Livret A),  relève du droit prétorien, ce qui signifie le droit formé par les juges, c'est-à-dire la jurisprudence. Cette jurisprudence est en droit français évolutive (système dit de "civil law") au contraire des pays anglo-saxons où les juges sont tenus de se conformer aux décisions de justice antérieures (système dit de "common law"). En France, il n'existe donc pas de règle du précédent, d'où parfois des revirements dans la jurisprudence. Le droit prétorien n'est donc pas figé.

L'arrêt Lafitte concernait le refus de Louis XVIII de payer une rente que le banquier Jacques Lafitte, adversaire politique, s'était vu accorder par la sœur de Napoléon la Princesse Borghèse. Le Conseil d'Etat saisi se déclara incompétent pour juger l'affaire au prétexte qu'elle relevait d'un mobile politique avec les termes suivants: "Considérant que la réclamation du sieur Lafitte tient à une question politique, dont la décision appartient exclusivement au gouvernement."

L'arrêt Duc d'Aumale, sous le Second Empire (9 mai 1867) confirma la position du Conseil d'Etat lors de la saisie par l'Empereur de tous les exemplaires d'un livre d'Henri d'Orléans, duc d'Aumale et cinquième fils de Louis-Philippe, qui critiquait le régime, avec les termes suivants: "L'acte dont ils se plaignent est une mesure de haute police dont le gouvernement accepte la responsabilité, mais qui ne lui paraît pas de nature à être de fere au Conseil d'Etat par la voie contentieuse." (Le livre en question était une Histoire des princes de Condé pendant les XVIe et XVIIe siècles, publiée par l'éditeur Michel Lévy. Henri d'Orléans avait à cette époque largement investi dans la presse en possédant des actions dans Continental Review, L'Epoque, Le Siècle, Le Temps.)

En 1875, sous la jeune IIIe République, la jurisprudence du Conseil d'Etat réduit considérablement le champ des actes de gouvernement avec l'arrêt Prince Napoléon du 18 février 1875. Tandis que le prince Napoléon-Jérôme Bonaparte reprochait au ministre de la guerre, du Barail, de lui avoir confisqué son grade de général de division délivré par Napoléon III son cousin, au prétexte de caducité liée à la disparition du régime politique du Second Empire, acte donc au mobile politique patent, le Conseil d'Etat se considère tout à coup compétent pour juger l'affaire, tout en déboutant au demeurant le plaignant... La réduction du champ des actes de gouvernement est faite en ces termes: "Pour présenter un caractère exceptionnel qui le mette en dehors et au-dessus de tout contrôle juridictionnel, il ne suffit pas qu'un acte, émané du Gouvernement ou de l'un de ses représentants, ait été délibéré en Conseil des ministres ou qu'il ait été dicté par un intérêt politique." Le critère "mobile politique" sort à cette occasion du champ des actes de gouvernement pour ne plus y revenir.

Aujourd'hui la liste des actes de gouvernement reste floue. On distingue généralement les rapports entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif (la dissolution de l'Assemblée nationale, le dépôt d'un projet de loi par le Premier ministre, la promulgation d'une loi, le décret soumettant une loi à un référendum, la nomination d'un membre du Conseil constitutionnel, le déclenchement par le Président de la République de l'article 16 de la Constitution) et les relations entre la France et l'étranger (négociation et suspension des traités, relations diplomatiques, refus de négocier avec un Etat, décision du Président de la République d'engager des forces militaires).

Cependant ce dernier champ se trouve encore réduit par l'abondante théorie des actes détachables, par laquelle le Conseil d'Etat considère que certains actes n'ayant qu'un lointain rapport avec les relations internationales (comme un décret d'extradition par exemple) sont "détachables", ce qui l'autorise à en connaître en tant qu'acte administratif.

On le voit, la théorie des actes de gouvernement, comme celle des circonstances exceptionnelles, n'a rien d'une science exacte. Si la doctrine tend depuis 1822 à réduire toujours davantage son champ d'application, certaines décisions consacrent sa survie comme la décision du Tribunal des conflits du 6 juillet 2015, Krikorian et autres, n°C03995, en ces termes: "Considérant que (...) le refus du Premier ministre de soumettre au Parlement un projet de loi en vue de sa transposition en droit interne touche notamment à la conduite des relations internationales de la France; que dès lors, en, tout état de cause, ni la juridiction administrative ni la juridiction judiciaire ne sont compétentes pour en connaître; qu'ainsi, sans qu'il soit besoin d'interroger la Cour de justice de l'Union européenne sur la validité de la décision-cadre en cause, c'est à bon droit que, par les décisions mentionnées ci-dessus, les deux ordres de juridiction se sont déclarés incompétents pour connaître du litige."

Cette survie de l'acte de gouvernement injusticiable, selon le mot de Louis Favoreu (1936-2004 - Du déni de justice en droit public français, LGDJ, 1964, 582 p. not. p.241 et s), pose d'évidents problèmes de démocratie puisqu'elle est une violation du principe de légalité, pilier de l'Etat de droit, selon lequel l'administratif est soumis à la hiérarchie des normes. L'article XVI de la Déclaration de 1789 prévoit: "Toute Société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution." Le "droit au recours", qui doit être "effectif", est constamment rappelé par le Conseil constitutionnel (CC, 13 août 1993, n°93-325 DC et CC, 9 avril 1996, n°96-373DC). On ne justifie aujourd'hui le fruste archaïsme que par des périphrases compliquées où l'on prétend rejeter un fondement sur la raison d'Etat, expression sans doute trop connotée "Ancien Régime", pour retomber sur la notion de "fonction gouvernementale" ou d'acte de "commandement" plutôt qu'acte d'administration, ou encore de "souveraineté de l'Etat" (quand c'est le peuple qui est en vérité souverain), ce qui signifie finalement la même chose: l'arbitraire du pouvoir plutôt que l'Etat de droit, c'est-à-dire précisément ce que se proposait d'éviter Hans Kelsen (1881-1973) avec sa célèbre pyramide. Claire Saunier a montré que la France était de plus en plus isolée dans cette interprétation rigide de l'immunité juridictionnelle des actes de gouvernement, des pays comme les Etats-Unis, l'Espagne ou le Royaume-Uni ayant des juges de plus en plus réticents à considérer comme tels des actes mettant en cause les droits et libertés des individus.

Il faut noter que les actes de gouvernement ne sont pas les seuls à bénéficier d'une immunité juridictionnelle de fait par la jurisprudence, car les mesures d'ordre intérieur (les actes purement internes à une administration) échappent également à tout contrôle, au prétexte cette fois que ces mesures de détail ne seraient pas assez importantes pour que le juge ait l'utilité d'opérer son contrôle.

On remarquera que la construction des institutions européennes passe par la signature de traités internationaux, dont le déroulé, la négociation, sont considérés comme actes de gouvernement, même si l'article 53 de la Constitution précise que: "Les traités de paix, les traités de commerce, les traités ou accords relatifs à l'organisation internationale, ceux qui engagent les finances de l'Etat, ceux qui modifient des dispositions de nature législative, ceux qui sont relatifs à l'état des personnes, ceux qui comportent cession, échange ou adjonction de territoire, ne peuvent être ratifiés ou approuvés qu'en vertu d'une loi."


Le référendum de 2005 violé deux ans plus tard par le traité de Lisbonne

Par surcroît, on l'a vu lors du traité de Lisbonne (qui viola la décision du peuple souverain de rejeter le projet de constitution européenne lors du référendum de 2005), ces traités n'ont nullement besoin d'être conformes à notre Constitution, ce qui est en contradiction totale avec les arrêts Sarran (Conseil d'Etat 30/10/98) et Fraisse (Cour de cassation 2/6/2000) consacrant la primauté de la Constitution sur les traités internationaux dans l'ordre interne. Le Conseil d'Etat refuse du reste de se prononcer sur la constitutionnalité d'un traité (C.E. 8/7/2002 Commune de Porta, Rec 260). Car il suffit, après avoir fait constater par le Conseil constitutionnel l'inconstitutionnalité du traité, de réunir le Parlement en Congrès afin de modifier a posteriori la Constitution, pour ensuite faire voter la loi ratifiant le traité qui était d'abord inconstitutionnel. On nous garantit que même Hans Kelsen ne voyait rien à redire à ce genre de manipulation, prétendant qu'il ne préconisait nullement le "gouvernement des juges". Serpent de mer classique... On observera que cette façon de faire est un "pied dans la porte", technique très connue de manipulation où l'on vous force d'abord la main pour obtenir ensuite de vous ce que vous auriez refusé initialement, emporté par votre premier mouvement. On ne sera donc pas surpris que la même méthode fut employée en mars 2020 pour manipuler nos parlementaires: Un décret du 16 mars illégal imposé sous couverture de la théorie des circonstances exceptionnelles, puis quelques jours plus tard, le 23 mars, le vote "volontaire" d'une loi inique couvrante.


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CONCLUSION

On le voit, les instruments de droit que des libéraux s'attachent à construire pour protéger nos libertés n'ont de cesse d'être empêchés ou détournés pour un usage inverse. Face à une tentative totalitaire comme celle qui vient d'être menée au grand jour par l'invention d'une crise sanitaire factice d'échelle internationale, il est nécessaire d'avoir en tête le contenu de la BOITE A OUTILS TOTALITAIRE de notre époque:

Nous trouvons dans le compartiment de gauche les grands récits mensongers servant de justification à confisquer durablement nos libertés:

1/ Le péril islamiste imaginaire, qui permit d'imposer le Patriot Act (26 octobre 2001) aux Américains après la destruction le 11 septembre de 3 tours par 2 avions en plein New-York au mépris de la rationalité la plus élémentaire, puis de capturer l'une des plus importantes régions pétrolières mondiales (voir mes tweets récents sur Henri Proglio et l'interprétation du sabotage de la filière nucléaire) par le mensonge des armes de destruction massive. En France, il permit la multiplication des états d'urgence sous le quinquennat Hollande, l'inscription de certaines prérogatives de ces états d'urgence sécuritaires (pouvoirs exorbitants) dans le droit commun (loi SILT n°2017-1510 du 30 octobre 2017), des mesures vigipirate quasi permanentes.

2/ Le péril climatique imaginaire, qui permet de s'introduire dans chacun des domaines de la vie quotidienne, et représente par l'artifice de "l'empreinte carbone" un outil de contrôle de chaque action humaine individuelle. Quant aux entreprises, elles sont soumises au chantage des "critères ESG" qui revient à une prise de contrôle de type maffieux.

Aucun domaine de la vie quotidienne ne doit échapper à l'emprise totalitaire

3/ Le péril sanitaire imaginaire, qui servit d'accélérateur aux projets totalitaires, permit de violer la totalité des grands principes de l'exercice médical en France (voir en fin de notre article n°139), et de réduire le citoyen à un état d'esclave puisque obligé, par la tromperie, la coercition et le chantage, de se faire injecter des produits inconnus (probablement des placebos inoffensifs à ce stade de la réflexion) sur ordre du pouvoir politique, donc dépossédé de son propre corps. Ce narratif a fini par échouer avec la loi du 30 juillet 2022 d'abrogation de la plupart des lois iniques de 2020, dont l'état d'urgence sanitaire avait été déjà incorporé au code de la Santé et devait y rester.

4/ Le péril russe imaginaire, la guerre en Ukraine, qui ne peut être que du théâtre, la Russie ayant participé sans retenue à l'imposture de la maladie imaginaire chinoise et occidentale (voir images suivantes et nos articles n°166 et 168), permettant un détournement d'argent public massif pour un enjeu nul, une augmentation artificielle du prix de l'énergie pour toutes les populations européennes et l'installation d'une forte inflation fragilisant les classes populaires.


Dans le compartiment de droite de la boîte à outil totalitaire, nous trouvons les éléments de droit suivants:

1/ La théorie des circonstances exceptionnelles.

2/ La théorie des actes de gouvernement.

3/ Les lois et traités échappant au contrôle du juge judiciaire, conjugué à un juge administratif dont la proximité avec le pouvoir politique est problématique.

4/ La soft-law, très utilisée pendant l'imposture sanitaire (voir notre article n°116).

5/ Le droit des générations futures, redoutable outil totalitaire en cours de construction (voir ajout du 24 décembre à notre article n°171) qui a pour vocation d'anéantir les droits des vivants.

6/ Un Conseil constitutionnel très insuffisant (9 membres) et trop lié au pouvoir pour remplir la mission de Cour constitutionnelle que souhaitait ardemment Robert Badinter.

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Aujourd'hui, Henri Proglio est attaqué devant les tribunaux. Ceci n'est nullement un hasard. En faisant la démonstration du sabotage délibéré d'EDF et de la filière nucléaire, il a mis le doigt sur la raison profonde de la tentative totalitaire: l'arrivée de technologies modernes (comme le nucléaire modulaire) permettant une énergie dans d'immenses quantités sans précédent, propres à une nouvelle émancipation des peuples. Nous allons certainement y revenir, la primeur étant sur Twitter pour ceux qui y ont accès. En attendant, voici deux commentaires placés sur le site de propagande (déguisé en opposition) Le Courrier des Stratèges déjà anciens (présentés précédemment dans notre article n°191):



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ANNEXES


Libertés publiques, libertés fondamentales, libertés individuelles, quelles différences?
On employait naguère beaucoup l'expression "libertés publiques", comme le fait encore couramment François Sureau, tandis que l'expression "libertés fondamentales" tend de plus en plus à s'y substituer, notamment dans les cours dispensés aux étudiants. S'ils sont parfois utilisés l'un pour l'autre, les deux vocables ont cependant des origines différentes. Les libertés fondamentales renvoient en France à la Constitution et à la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789. Au contraire de certains pays dotés de constitutions plus récentes, le droit français ne contient pas un catalogue précis énumérant les libertés fondamentales. La source est donc historique (des combats politiques - L'article 9 de la Constitution de juin 1793 prévoyait que "la loi doit protéger la Liberté publique et individuelle contre l'oppression de ceux qui gouvernent".) mais aussi philosophique en renvoyant aux idéaux des Lumières. Les libertés publiques, qui comprennent les précédentes, sont toutes les libertés garanties par la loi, c'est-à-dire par l'Etat. Certains auteurs prétendent y inclure les droits-créances (les "droits à", comme le droit au logement) qui supposent une action des pouvoirs publics et sont surtout des droits sociaux, tandis que la plupart des auteurs continuent à restreindre l'appellation aux seules libertés supposant une abstention des pouvoirs publics (les "droits de", comme le droit d'aller et venir). La véritable raison de l'expression "libertés publiques" est, comme souvent dans notre vieille nation, historique. La source des nouvelles libertés publiques sous la IIIe République, faute à une constitution limitée à trois lois constitutionnelles et muette sur les libertés, fut la loi seule: Lois du 12 juillet 1875: liberté de l'enseignement supérieur, du 16 juin 1881: gratuité de l'enseignement primaire, du 30 juin 1881: liberté de réunion (déclaration préalable supprimée ensuite par la loi du 28 mars 1907), du 29 juillet 1881: semi-liberté de la presse (déclaration préalable supprimée mais "délits contre la chose publique" créés), du 21 mars 1884: liberté syndicale, du 1er juillet 1901: liberté d'association (mais ne bénéficiant pas aux congrégations religieuses, ce qui va en faire disparaître un grand nombre). Quoi qu'il en soit, ces libertés publiques ne sauraient aujourd'hui se limiter "au niveau légal de garantie", selon l'expression de Véronique Champeil-Desplats, au prétexte que l'article 34 de la Constitution de 1958 dit: "La loi fixe les règles concernant: - les droits civiques et les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques; (...)" Les auteurs ont en effet largement admis que le droit des libertés publiques faisait appel non seulement au droit administratif, mais aussi au droit constitutionnel, au droit pénal, au droit social, au droit européen et au droit international. Enfin, l'expression "libertés individuelles" mérite une précision. Classiquement il s'agit des libertés ne concernant que l'individu seul, comme la liberté d'aller et venir, la liberté de conscience, la propriété, etc., par opposition aux "libertés collectives" que seraient la liberté de réunion, d'association, la liberté de la presse. Historiquement, "libertés individuelles" renvoie à l'une des plus anciennes émancipations de l'individu vis à vis du pouvoir politique, l'Habeas corpus Act de 1679 (dix années avant le Bill of Rights, lui-même précédent d'un an la parution du Traité du gouvernement civil de John Locke) interdisant tout emprisonnement sans jugement, et repris par l'article 7 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789. On l'a vu en début de cet article consacré à la liberté d'aller et venir, la liberté individuelle dont il est question à l'article 66 de la Constitution est malheureusement d'interprétation très stricte par le Conseil d'Etat, et ne viserait, en l'état de la jurisprudence, que cette garantie pour un individu donné de n'être pas emprisonné de façon arbitraire, ignorant la possibilité d'être emprisonné de façon tout aussi arbitraire mais avec tous les autres citoyens lors d'un "confinement" inconstitutionnel. Doit-on comprendre cette étrange conception prétorienne étriquée de l'emprisonnement, échappant au contrôle du juge judiciaire pourvu qu'il soit collectif, comme une légalisation des camps?


Un régime répressif versus régime totalitaire:
L'éminemment sympathique Italien Primo Levi qui tenait à ce que sa dramatique expérience serve à tout le monde expliqua dans son célèbre livre Si c'est un homme, en une phrase, la différence fondamentale existant entre un régime dit "répressif" et un régime totalitaire, ce qui va renvoyer le lecteur au bas de la page 238 de notre manuel où la magistrate Bénédicte Cazanave disait: "Accepter l'intervention judiciaire a posteriori est peut-être le prix à payer pour éviter l'intervention étatique a priori qui entraînerait, presque à coup sûr, la disparition de ce qui fait que la montagne nous attire encore, et réduirait celle-ci à n'être qu'un terrain de sport ou de loisir aseptisé." La phrase de Primo Levi est la suivante: "Pour nous, en revanche, le Lager n'est pas une punition; pour nous aucun terme n'a été fixé, et le Lager n'est autre que le genre d'existence qui nous a été destiné, sans limites de temps, au sein de l'organisme social allemand."

Le régime juridique dit "répressif" prévoit que rien ne vienne entraver a priori les libertés des individus sinon la garantie pour autrui de bénéficier des mêmes libertés, ce qui introduit la notion "d'ordre public" dont la source est le droit fondamental de "sûreté" et l'expression la loi pénale qui doit satisfaire à plusieurs conditions: être claire et précise, et d'interprétation stricte par les tribunaux; ne pas être rétroactive; être appliquée par des juges indépendants et impartiaux. Cette dualité liberté/ordre public, qui signifie pour être explicite libertés publiques (i.e. garanties par l'Etat)/libertés publiques d'autrui, est même symbolisée par la présence des deux statues de James Pradier (1790-1852) qui flanquent le Président de l'Assemblée nationale dans la salle des Séances. Dans un tel régime dit "répressif", qui est le plus libéral comparé à des régimes intermédiaires "d'autorisations préalables" (autorisations délivrées de droit dans les versions les moins autoritaires, ou soumises à l'arbitraire dans les versions les moins libérales) ou à un régime totalitaire "d'interdictions", le principe général est la liberté quand la loi  est silencieuse, et la loi (a fortiori le règlement) ne peut restreindre les libertés que pour protéger celles d'autrui. Sans doute l'énergumène de Saint-Gervais, en guerre éternelle contre les libertés de ses concitoyens, gagnerait-il à prendre un ou deux cours élémentaires d'instruction civique... Vous venez en définitive de saisir avec Pimo Levi que si votre assignation à résidence du 16 mars 2020 ne relevait pas d'une punition, c'est qu'elle relevait bien d'une tentative totalitaire.

Parvenant à concilier le rejet de la tyrannie et les libertés d'agir et de penser (inspirée par les philosophes du XVIIIe Montesquieu, Voltaire, Rousseau, Condorcet) avec la garantie de la propriété (inspirée par le courant physiocrate de Mirabeau père), la Déclaration de 1789, mêlant la contribution des états généraux, des cahiers de doléances de 1789, des projets de Mounier, Sieyès, La Fayette, Clermont-Tonnerre, Champion de Cicé et Mirabeau, fut un exercice de style étonnamment réussi. Elle est, aujourd'hui encore, notre meilleur bouclier contre les totalitaires.


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Requins et baignade: Illustration de la liberté d'aller et venir avec un cas concret en Nouvelle-Calédonie, ici