Continuité randonnée et alpinisme 39

Bushcraft et alpinisme


Dans les premières pages de Sommets des Ecrins, les plus belles courses faciles, Minelli, Chevaillot et Grobel écrivent: "Nous pensons qu'il n'y a pas de véritable frontière, de clivage important entre la randonnée et l'alpinisme facile. C'est le même amour pour la montagne et la nature." Et de décrire en première course la longue randonnée montant au sommet du Vieux Chaillol (3163m).

Sommets des Ecrins


Avant d'imaginer aller bivouaquer assis sur une vire étroite du deuxième ressaut de l'arête nord de la pointe d'Amont pour le plaisir de réaliser la traversée d'une façon originale (notre début de saison 2015), les nombreuses nuits sous tente en moyenne montagne sont la meilleure préparation à une pratique autonome de l'alpinisme.
De la même manière, le bushcraft, "art des bois", qui conjugue maîtrise du feu de camp et abri sommaire en forêt, est susceptible de faire naître des vocations pour les altitudes plus élevées.

Le continuum existant entre le barbecue du jardin, la balade du dimanche avec pique-nique, le bushcraft, la randonnée en moyenne montagne et l'alpinisme implique que le succès de cette dernière activité dépendra directement du nombre de pratiquants des précédentes. Si l'on se désole d'une baisse de régime dans la pratique alpine et de ses conséquences dommageables pour ce secteur économique (vente de matériels, professions de guide et d'accompagnateur, survie des stations d'été, éditions de livres et de revues de montagne), il faut en tirer les conséquences.

Rompre ce continuum, c'est pourtant ce que s'efforce  de faire une réglementation contraignante criminalisant le feu de camp dans nos forêts comme le campement dans les parcs naturels nationaux ou régionaux pour des prétextes qui ne résistent pas à une réflexion élémentaire.

Concernant le feu, il n'existe pas un seul exemple de fait divers où un bushcrafter aurait déclenché un incendie. La passion de ces pratiquants étant l'excellence dans l'art de faire un feu utilitaire, leur savoir en la matière est étendu, allant de la récolte des matériaux adéquats à la capacité de circonscrire avec précision leur foyer, en passant par la maîtrise des différentes techniques d'allumage par friction et la connaissance historique (un exemple ici) et préhistorique de ces différents procédés. Les pouvoirs publics ne devraient pas rester insensibles au point d'honneur que mettent ces pratiquants qui sont des "sachants" à n'allumer leur feu qu'avec des précautions infinies, à tenir compte des conditions (sécheresse, vent, présence de résineux, propagation sous-terraine par les racines, etc.) et à leur compétence très concrète et qu'il est impossible de nier. Il serait alors grandement bénéfique de redonner à ces Français le droit d'allumer un feu qu'ils maîtrisent à la perfection, renouant avec une liberté datant ni plus ni moins des temps paléolithiques. Difficile de faire plus fondamental que ce droit-là! Les incendies de forêts ont bien entendu des causes étrangères à la pratique du bushcraft: volonté criminelle, débroussaillage insuffisant, mégot jeté avec insouciance ou pot catalytique surchauffé d'une voiture en stationnement.

Concernant le campement en montagne, la très faible quantité de tentes montées pour une nuit dans nos massifs suffit à montrer que la montagne se défend bien toute seule. Porter lourd sur des dénivelées importantes est dissuasif pour le plus grand nombre, et il n'y aurait absolument aucun dommage à libérer le droit de camper, les randonneurs n'ayant en tout état de cause aucune chance de rivaliser avec les importantes nuisances que provoquent les troupeaux de moutons subventionnés à l'encontre de la faune sauvage.

En définitive, rendre leur liberté aux bushcrafters et aux campeurs ne serait pas un péril national.