Dans les pas de William Auguste Coolidge, dans la voie normale de la Cime du Montagnon 149

Lac de la Mariande, Cime du Montagnon

Malheureusement, Miss Brevoort décéda quatre années avant l'ascension de la Cime du Montagnon par son neveu, d'une affection rhumatismale aiguë.

Aujourd'hui, nous allons ressortir la vieille corde en chanvre, le rucksack de loden, le lourd piolet à grande panne pour tailler les marches, sans oublier le chapeau à large bord et fond renforcé pour les pierres indisciplinées du couloir de la Cime du Montagnon. Car il va falloir suivre l'infatigable Coolidge dans la fleur de l'âge (30 ans) et ses guides Christian Almer père (54 ans) et fils pour cette ascension datant du 5 août 1880. Mais ce sera, pour notre sauvegarde, dans l'une de leurs plus courtes ascensions: 2 heures pour rejoindre le second col au-dessus de celui de la Haute-Pisse en partant du bivouac du lac de la Mariande (2604m); 1 heure pour ensuite atteindre le sommet (3263m). Une plaisanterie pour quelqu'un de surentraîné comme le coureur de cimes averti que vous êtes. En revanche, on devra d'abord rallier cet excellent bivouac méritant 5 étoiles au "Guide Whymper des Meilleurs Bivouacs des Alpes Françaises" depuis le hameau du Clot (sous Saint-Christophe en Oisans, 1400m) puis la passerelle du Vénéon (1345m) , et il vaudra mieux alors bénéficier des jambes du graveur sur bois...


La Cime du Montagnon, vue depuis le sommet de l'Aiguille du Plat de la Selle, apparaît comme la montagne indispensable à gravir.


Le sentier se termine devant l'éboulis brouillon - limite clapier - qui précède les moraines. Il faut viser la deuxième moraine en partant de la droite pour trouver la sente inconstante.

 

La moraine devient belle et effilée aux abords du lac de la Mariande.


Le lac de la Mariande est glaciaire... Pour la baignade, voyez plutôt le lac Lautier (article précédent).


Voici l'envers des Arias et du Bec du Canard qui vous intriguait tant, toutes ces soirées passées derrière, au refuge de la Lavey.


Suivez le vieux Almer. On passe habituellement à gauche du lac dans un grand mouvement tournant en pente douce. Mais vous pourrez revenir de façon plus directe sur l'autre rive. Faites l'inverse si ça vous chante: aucune religion ne l'interdit.


C'est qu'on finirait par se croire en haute-montagne...


Une fois atteint le Col de la Haute-Pisse, on reste côté Mariande, on suit la courbe de niveau vers la droite en laissant le chicot à gauche.


Un immense cairn a été dressé au col de la Haute-Pisse (3038m). Ce col porte ce nom car, tout en bas, côté Font Turbat, se trouve la Cascade de la Pisse (1502m), objectif de promenade classique depuis le Désert en Valjouffrey.


C'est le moment de sortir ses vieux  crampons 10 pointes à lanières ou... de brandir la hache pour tailler des marches. Coolidge en avait bien taillées 500 pour atteindre l'arête faîtière dans sa première ascension directe de la Barre des Ecrins (en 1870, six années après l'ascension de Whymper par la voie normale).  Sauf si l'isotherme élevé a ramolli la neige.


Les sportifs voudront peut-être franchir les derniers mètres directement depuis la brèche jusqu'au sommet. Mais les gros blocs imbriqués sont raides et personne n'a dû se hasarder à tracter dessus comme à la salle. Vous ne voudriez pas faire perdre quelques mètres d'altitude à la Cime du Montagnon... Le passage est sagement derrière, comme souvent en montagne. Ouvrir les yeux est d'ordinaire plus efficace que sortir les bras...


C'est dans ce long couloir qui fait l'essentiel de l'ascension que le chapeau à large bord et fond renforcé est de rigueur. On gagnera à ne pas venir à plusieurs cordées. Dans ce cas, il faudra se suivre de très près pour éviter que les pierres n'arrivent à grande vitesse.





Au sommet, l'angle de vue est inhabituel, ce qui permet de mieux comprendre cette partie du massif.


On jouxte le fond de l'autre vallon secret de l'Oisans: celui de Lanchâtra.


Et bien sûr, on reconnaît le pic Turbat et la face nord-ouest de l'Olan (voir article précédent).


Voici les derniers mètres au-dessus de la brèche qu'il va falloir maintenant redescendre. C'est facile mais on n'est pas à l'abri d'une prise qui se détache: une sangle, un friend ou deux pour protéger la désescalade du suivant...


Le retour au bivouac est rapide. Vous aurez largement le temps de faire sécher la tente pendant la longue sieste sur un carré de sable. Une saison en Oisans? L'enfer!

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Cime du Montagnon (3263m), voie normale: versant sud depuis le col de la Haute-Pisse (3038m). Difficulté: F. Première ascension: W.A.B. Coolidge avec Christian Almer père et fils, le 5 août 1880. Peu fréquentée. Conseillée.

La courte durée de l'ascension permet de conserver la concentration nécessaire pour les passages où il est impossible de placer des protections. Aucun pas difficile. Itinéraire très facile (et nous avons dressé des cairns). Un encordement trop long peut favoriser le lancement de pierres par accrochage de la corde. A la désescalade, on gagne à progresser en lacets pour que le grimpeur du bas soit décalé par rapport à l'autre qui lui envoie les projectiles.

Le couloir d'ascension, encombré de pierrailles, possède un bon fond. Davantage de parcours l'assainiraient. Ne pas hésiter à nettoyer au passage en étant certain d'être la seule cordée du jour (très probable). Les possibilités d'assurage existent. Emporter 4 longues sangles, 3 ou 4 friends petits et moyens et un demi jeu de coinceurs câblés avec son décoinceur pour ouvrir les fissures remplies de terre disponibles. Une corde de 20 mètres suffit (aucun rappel à prévoir). Chaussons parfaitement inutiles et même handicapants.

(En début de saison, la neige changerait complètement le caractère de la course et la difficulté varierait bien sûr énormément en fonction de la qualité de la neige.)

Mieux connaître Méta Brevoort avec Marie Paillon (cliquer sur l'image pour lire le texte sur Gallica ou le télécharger gratuitement)


33 années plus tard, le célèbre ouvrage de Coolidge (cliquer sur l'image, idem)


Meta Brevoort's readings


WAB Coolidge, chez Sir Lawrence Alma-Tadema
Coolidge, en visite chez Sir Lawrence Alma-Tadema