Le Gioberney par le Says, pointe Richardson et Maurice Paillon 120
Après quelques gammes refaites dans les voies de la face sud de la Maye pour se convaincre qu'on sait encore grimper sur granit, il est temps de prendre un peu de hauteur.
27 années plus tard, René Vincent girl arpente encore une fois la valeur sûre Pujolidal |
Le Gioberney est la montagne de l'Oisans où l'on emmène volontiers dans sa voie normale les enfants débutant l'alpinisme. D'altitude modérée (3352m), son sommet en position centrale dans le sens nord-sud, offre une vue complète sur les montagnes alentours, depuis la face sud de la Meije au nord, à la face nord du Sirac au sud. On plonge aussi le regard sur le glacier de la Pilatte, on voit au loin la face sud des Ecrins avec le petit triangle du Fifre qui apparaît avec précision derrière les contreforts du pic Coolidge. L'imposante Ailefroide n'est vue qu'en enfilade tandis que Rouies et pics du Says complètent le panorama grandiose.
Il existe plusieurs façons originales de gravir la plus tendre des montagnes de l'Oisans:
- La voie Paquet (couples Dauvergne et Moindrot avec J.M.Gaspard et Pierre Paquet père, 31 juillet 1957, PD), qu'il faut distinguer de la classique arête nord-est (W.A.B. Coolidge avec Christian Almer père et Peter Bleuer, 21 juillet 1873, PD), est une course variée miniature à connaître absolument.
- Le mur de glace central (Andrée et R. Cassoux, R.Delmas, 13 juin 1948, AD), qui emprunte le sérac du milieu de la partie suspendue du glacier du Says offre une glace excellente à ancrer et à brocher, même par isotherme élevé.
- Et la "randonnée" glaciaire par le glacier du Says (en suivant l'arête nord-ouest au-dessus du col du Says, à la descente: Maurice Paillon avec Pierre et Eugène Estienne, 12 août 1898, F), décrite par Chevaillot, Grobel et Minelli (Sommets des Ecrins, les plus belles courses faciles, éditions Glénat, 1997), offre une alternative à la voie normale d'une difficulté équivalente, avec en plus un assez long parcours d'arête mixte très esthétique.
Le point de départ le plus logique n'est pas le refuge de la Pilatte, auquel cas il faudrait commencer la course par redescendre une partie de ce qu'on a gravi la veille, mais un bivouac qu'on trouvera juste après la passerelle du torrent issu du glacier du Says, sur la gauche, sur un gros bloc dont la face supérieure est plate et horizontale. L'eau est à proximité immédiate, la vue est imprenable sur le début des opérations du lendemain comme sur les hauts lieux qui ont abrité le bivouac précédent sous la face sud des Ecrins (article 119). Sous le bloc existe une sorte de cave qui pourrait servir d'abri en cas de pluie imprévue.
- Les innombrables atouts du bivouac à lire ici.
- Un indéniable avantage psychologique ici.- Les innombrables atouts du bivouac à lire ici.
Le bivouac après la passerelle du Says. Au fond, la face sud de la Barre des Ecrins |
Un muret qui pourrait être, en cas d'isotherme 0° bas, un peu léger contre la brise glaciaire dévalant du glacier du Says. |
Ce sera en montant vers le sommet du Gioberney que le Fifre s'individualisera au pied de la face sud des Ecrins. Ici, tout est encore confus avec les contreforts du pic Coolidge. |
L'itinéraire de départ, qu'on n'est pas obligé de parcourir de nuit tant la course est rapide et le terrain aller comme retour peu crevassé, est d'autant plus limpide depuis le bivouac que des chamois, venus peut-être du Valgaudemar par le col du Says montrent le chemin pendant toute la soirée en se promenant le long des bandes de neige. Lever à 4h00 et départ à 5h00 sont largement suffisants.
Les chamois de la veille ont obligeamment tracé quelques passages qu'ils connaissent mieux que personne. |
Classiquement, on rejoint à gauche la fin de l'itinéraire du mur de glace. Mais on peut grimper plus tôt à l'arête qui est très belle (terrain mixte: alternance de neige et de rocher). |
On progresse plutôt sur la neige quand on le peut. L'arête reste large et n'est jamais aérienne. |
Arrivée imminente au sommet |
Une fois descendu du sommet du Gioberney sur le col du même nom par la voie normale (terrain instable exploitant de courtes vires surtout à droite du fil en descendant), on peut en profiter pour visiter la voie normale de la pointe Richardson (20 petites minutes pour l'aller), nommée ainsi par Maurice Paillon (1855-1938) quand il en fit la première ascension, seul, le 12 août 1898, en l'honneur de la compagne de cordée britannique de sa sœur aînée Marie (née à Sedan dans les Ardennes en 1848, décédée en 1946). Ceci à la condition que la neige ne soit pas déjà trop ramollie car il faut que les marches de la trace tiennent.
Il faut alors bien entendu lire l'hommage rendu par Mary Paillon à Kate Richardson (1854-1927) dans le numéro 207 de décembre 1927 de La Montagne, revue du CAF dont le rédacteur en chef est alors (depuis 1904 jusqu'à 1932) Maurice Paillon: Cliquer ici.
Pour avoir un aperçu de l'œuvre éditoriale du CAF, c'est avec Olivier Hoibian: Cliquer ici.
Du sommet du Gioberney, ou de celui de la pointe Richardson, la vue est exceptionnelle de tous côtés. Par exemple vers le sud, face à l'arête nord du Sirac (AD, conseillée). |
On pourrait profiter de la descente facile pour expérimenter le "magic ring", simple disque de plastique à confectionner soi-même, optimisant le fonctionnement d'un nœud autobloquant en empêchant son retournement quand il fonctionne "à l'envers". C'est donc un perfectionnement de la technique employée par les guides italiens du Cervin décrite à la page 145 de notre manuel. Cf. cet article de février 2027 de Philippe Brass.
[Avertissement: Cet encordement n'est pas conventionnel et n'est mentionné que pour les cordées expérimentées capables d'en saisir les limites et les indications.]
Le même in vivo |
Le "mur de glace" du Gioberney, conseillé, quand le sérac touche bien le sol! |
Bonus: Maurice Paillon ayant réalisé les premières de la voie normale du Gioberney, de la descente sur le Says et de la voie normale de la pointe Richardson, le moins qu'on pouvait faire était de le ressusciter pour internet. Car si l'on trouve facilement des informations sur Marie, en raison d'un certain militantisme féministe, Maurice est aux abonnés absents.
Voici donc une petite biographie personnelle sur le petit frère de sa grande sœur... nouvelle version revue et augmentée le 15 juillet (et coquille de date corrigée): cliquez ici (fichier pdf de 5MO, 5 pages, droits réservés).
(Note du 5 août 2023: Cette notice biographique a été aujourd'hui revue et augmentée à l'article n°173.)
Maurice Paillon à 79 ans photographié par J.POLLE-DEVIERMES |
Marie Paillon entre 26 et 30 ans, photographiée par Antoine Lumière (1840-1911) - domaine public |