Voie classique de rocher en haute montagne versus voie équipée 26

Placement d'un hexentric, coinceurs, alpinisme

Le succès des voies d'escalade équipées situées en haute-montagne tient bien entendu essentiellement à l'amenuisement du risque. La chute dangereuse est abolie, le rocher nettoyé, la descente en rappel est possible à tout moment et l'itinéraire suit la ligne étincelante de spits.
Pourtant, certaines voies, destinées à de forts grimpeurs et ouvertes par des escaladeurs plus forts encore, proposent quelques pas corsés bien au-dessus de la plaquette mousquetonnée, notamment en pleine dalle, et on se félicitera d'avoir soigneusement lu le topo qui indique le niveau maximum obligatoire requis pour parcourir la voie, sans quoi il faut s'attendre à quelques sueurs froides…
De la même façon, des équipeurs nés escogriffes se persuadent parfois que le monde est peuplé d'échalas, et sont friands d'un placement de goujons tout là-haut à l'extrême bout de leur long membre déplié… De quoi agacer le mètre cinquante de ma première de cordée…
Enfin, quelques artistes facétieux aiment équiper leurs rappels à 50 mètres pile - quand ce n'est pas 50 mètres et demi - mettant à mal votre vieille corde rapetissée car longuement exposée au soleil pendant toutes les montées au refuge depuis que vous avez versé dans la mode absurde de son pliage en oreilles de cocker pour la porter en travers du sac... 

Rien de tout cela dans une vieille classique. Le répétiteur n'y est pas à la merci des caprices de l'ouvreur. Les anciens venaient ici avec des cordes courtes, souvent des cordes à simple (dites corde d'attache) ou des rappels de 60 mètres, c'est à dire 2 x 30. Ils choisissaient des lignes de fissures pour y planter coins de bois et pitons ou y coincer des pierres. De sorte qu'il est souvent facile d'équiper temporairement la longueur à la mesure de sa stature, physique autant que morale.
Et la bonne nouvelle, surprise de la logique, est que plus ces dernières seront faibles, plus notre tranquille escaladeur refusant les longs vols à l'exemple d'un Georges Livanos ("Les longs vols ne font pas partie de mon répertoire.") deviendra un expert en pitonnages variés et placement ad hoc des stoppers, hexentrics, friends, ball-nuts et autres copper-heads.
Ici donc, point de maximum obligatoire. Par conséquent point de sueurs froides au-dessus du dernier spit mais un bricolage soigneux et une débrouillardise de bon aloi: pas d'artif, courte-échelle, jeté de sangle ou de corde... tout est permis.
Et si les vieilles classiques étaient finalement plus ludiques et moins stressantes qu'on ne veut bien le dire? Et si ces voies, si tant est que le rocher soit sain et bien pourvu en fissures, étaient les plus reposantes?