Avoir le sens de l'itinéraire: le test infaillible 118
Scène de la vie montagnarde ordinaire |
Savoir se perdre sur l'alpe homicide (Le recueil de récits de Paul Hervieu - 1857-1915 - ici) est chez le vulgum pecus une qualité très commune. Aussi pour éviter un grelottement terrible sur une méchante vire où vous aurez échoué au crépuscule d'une longue escalade est-il nécessaire de tester sérieusement votre sens de l'itinéraire. Vous saurez alors si, oui ou non, vous présentez les aptitudes naturelles requises pour pratiquer l'alpinisme sans guide. Sans quoi il faudra vous résoudre à suivre la corde en vous faisant cornaquer...
Voici donc le test radical, celui qui va décider de votre sort plus sûrement que le vertige en milieu vertical ou le mal de mer en milieu horizontal. Il va s'agir de répondre aux trois questions suivantes, et ce test est tellement essentiel qu'il ne souffre aucune marge d'erreur et ne bénéficie d'aucune procédure de repêchage. Alors, attention! Un peu de concentration.
JE TESTE MON SENS DE L'ITINERAIRE POUR LA HAUTE-MONTAGNE EN 3 QUESTIONS:
(Répondez aux trois questions suivantes avec la meilleure sincérité possible car il peut en aller de votre intégrité physique.)
1/ Depuis votre chambre à coucher, êtes-vous capable de trouver, de façon infaillible, le trajet vers vos toilettes, même une nuit sans lune et sans courir à l'accident?
2/ Depuis la porte de votre boulangerie habituelle, êtes-vous capable de retrouver, à chaque fois et sans erreur, votre voiture garée sur le parking du petit centre commercial, même par temps de brouillard?
3/ Quand vous vous aventurez jusqu'au fond de votre jardin, êtes-vous capable, quelles que soient les conditions météorologiques, été comme hiver, de revenir jusqu'à la porte de votre logis sans jamais devoir faire appel au PGHM?
Si vous avez répondu oui à ces trois questions, réjouissez-vous car vous avez réussi le test! Vous avez la chance de posséder cette rare qualité que représente un sens de l'itinéraire hors du commun. Bien sûr, il n'y aura aucune raison non plus de faire le mariolle, comme celui qui connait parfaitement la voie pour la parcourir plusieurs fois par saison, selon Mummery "capable de dépeindre de son lit chaque marche de la route"...
Doté d'un tel sens de l'itinéraire, après avoir élaboré la formidable liste de courses de l'été et étudié avec soin les topos en examinant consciencieusement les voies de descentes habituelles et leurs alternatives en cas de déconvenue, il ne restera plus, avant la rimaye, qu'à se souvenir de la sentence universelle de Napoléon: "Il n'y a que deux espèces de plans de campagne, les bons et les mauvais. Les bons échouent presque toujours par des circonstances imprévues qui font souvent réussir les mauvais."