Une course 100% sauvage de l'Oisans sauvage: Voie normale du Pic Sud des Cavales (+ derniers numéros)184
Le col de la Grande Ruine, situé entre le Pic Maître de la Grande Ruine et le Pic Sud des Cavales, connut une première traversée le 17 juillet 1874 par le révérend Coolidge et ses guides Christian Almer père et Peter Michel fils, soit le lendemain de leur ascension de la Tête Sud du Replat par sa voie normale (voir article n°182). Mais l'Américain s'arrêta là sur nos terres - du moins dans ces parages... - car l'ascension du Pic Sud des Cavales revint sans doute au dégingandé Emmanuel Boileau de Castelnau accompagné de l'omniprésent et robustement charpenté Pierre Gaspard, lui-même flanqué de son fils, dans l'année de leur réussite à la Meije ou bien la précédente. Le jeune noble protestant du Languedoc (âgé de 19 ans) nourrissait ici en grimpant sur ce stratégique belvédère face à sa future muraille, son ambition de vaincre enfin la Grande Difficile qu'il aura le panache, quelques mois plus tard de proposer - en vain - à son immense rival, son aîné de seulement 4 ans, le bourgeois catholique fervent Henry Duhamel.
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| Vue d'ensemble |
On prendra d'abord depuis le hameau de La Bérarde, le sentier du refuge du Châtelleret. A la bifurcation proposant deux itinéraires possibles pour rejoindre l'établissement, on choisira le plus long, celui de droite, qui longe le versant ouest de la Grande Ruine. Une nouvelle bifurcation, visible sur la vue d'ensemble ci-dessus, donne le choix entre le refuge du Châtelleret (c'est ce chemin qu'empruntent de nuit les cordées venant du refuge pour aller au Pic Nord des Cavales) ou un sentier montant vers la Grande Ruine. On choisit ce dernier. Après quelques lacets, on franchit le torrent venant du glacier de la Grande Ruine (scabreux), puis on arrive à une nouvelle bifurcation: A gauche, c'est pour le col du Clot des Cavales, la sente va par quelques pas exposés d'escalade facile franchir la base de l'arête Sud-Ouest du Bonnet des Cavales. A droite, où nous allons, la sente mène rapidement aux confortables bivouacs de la Casse Déserte.
Pendant la montée, on profitera de la vue offerte sur le col de la Grande Ruine afin de repérer la fin de l'itinéraire car cette portion n'est pas visible du bivouac.
Les bivouacs sont multiples, les meilleurs pouvant convenir aux plus sybarites. L'eau coule abondamment dans le petit talweg suivant, juste avant la moraine1a (cf. vue d'ensemble), mais seulement à partir de la fin d'après-midi. Plus tôt en journée, il faudra aller chercher l'eau plus haut en remontant la moraine1a vers la cascade.
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| L'autochtone est nombreux dans ces parages. |
Le lendemain matin (réveil à 4h30), le soleil commence par toucher la Tête du Rouget et le Pic Gény, lequel présente face à nous son arête Est, première portion de sa célèbre traversée (PD, conseillée):
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| En face, le versant de l'article n°182 |
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| Le Râteau reçoit les premiers rayons du soleil: Lever tôt impératif pour sa voie normale au départ de la Selle. |
La moraine étant interrompue par une barre rocheuse, il faut, après avoir remonté la moraine 1b (sente peu marquée, quelques cairns), contourner cette barre largement par la droite en frôlant le torrent issu du glacier. Puis on reviendra sur la moraine2 dès que possible pour en remonter sa ligne faîtière:
Au sommet de la moraine2, on traverse longuement en ascendance à gauche pour éviter la grande barre rocheuse qui soutient les pentes terminales. On se dirige donc franchement vers le Bonnet des Cavales, plein nord. On remonte ensuite la pente plus raide en forme de large couloir (si vous vous encordez, c'est encordement très court) jusqu'à la fameuse vire Ouest-Est:
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| Le saxifrage faux-bry, dit encore saxifrage mousse, agrémente le parcours... Mais vous êtes un dur, pas ici pour herboriser... |
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| Même pas peur dans des pentes pareilles. Un piolet à portée de main quand même pour pouvoir se rattraper en réchappe au cas où on ferait l'œuf... |
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| La grande vire a beaucoup d'allure. |
Après la longue vire, une grande traversée d'abord ascendante vers la droite, puis légèrement descendante, mène de plain-pied au col de la Grande Ruine. Ce col, profondément entaillé dans la roche, est rejoint facilement dans une belle ambiance.
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| René Vincent girl vous a chouchouté en confectionnant ce cairn big-size... |
De l'autre côté, déjà chaud et ensoleillé, c'est vers Villar d'Arène, ce point de départ du nord du massif dont seuls les genoux les plus solides réchappent: depuis le Pied du Col, 4h30 pour monter au refuge du Pavé, 5h30 pour monter au refuge Adèle Planchard, 6h pour monter au refuge de l'Aigle... pour celui qui respecte les horaires, c'est-à-dire pas chargé d'un énorme sac contenant en sus du matériel d'alpinisme celui d'un bivouac confortable...
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| De ce côté, c'est un glacier, donc susceptible de crevasses, d'une rimaye, voire d'une roture... |
Après la minuscule traversée de neige menant au premier éperon rocheux orienté sud-est, nous voici à l'attaque de la voie normale. Le sommet est la petite pointe de droite, en enfilade avec le beau cairn de Mademoiselle Vincent. On remonte cet éperon formé de gradins faciles presque jusqu'à l'arête Sud:
Puis on s'encorde, si ce n'est déjà fait depuis le pied de l'éperon où il est préférable de progresser à corde tendue à une douzaine de mètres. La suite mérite de tirer une longueur. Il s'agit d'emprunter un dièdre à droite du fil, qui se redresse rapidement en cheminée raide: une longueur d'une vingtaine de mètres en III+, avec un piton artisanal et d'époque à retaper (on a emporté un marteau ou mieux, un marteau-piolet pour la cordée...) puis un nouveau piton identique comme relais (à retaper et à renforcer avec un friend, voir photo):
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| Eh oui... on dirait qu'on finit par grimper vraiment... (On regarde ici vers l'arrière.) |
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| La vue depuis le pied du passage donne ceci. |
Encore une petite longueur d'une douzaine de mètres plus faciles, et nous voici au sommet, à la fois aérien et confortable:
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| Le cliché est pris en regardant vers l'arrière. On ne vient donc pas strictement de l'arête Sud mais du petit couloir franchement à droite du fil en montant. |
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| Un sommet comme on les aime: aérien, solide, confortable. Le lieu de pique-nique idéal. |
(Note: Sur des sommets exigus de ce genre où l'on est totalement absorbé par la reconnaissance des pics alentour et la prise de clichés photographiques, entourer rapidement la corde plusieurs fois autour d'un gros bloc solide est une bonne habitude pour assurer la cordée étourdie. Les sacs, s'ils ne peuvent être calés de façon absolument sûre entre deux rochers sont vachés au baudrier. L'autre circonstance où l'on perd régulièrement son matériel - un chausson, un crampon, une chaussure... - est à la roture, quand on a sorti la quasi-totalité du contenu de son sac à dos sur un trottoir étroit de quelques centimètres, instable et sombre, entre glace et rocher: tout accrocher!... à quelque chose qui tient: coinceur, piton, broche, piolet ancré profondément, sangle sur becquet, etc.)
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| Vous aussi, vous allez pouvoir examiner en détail la fameuse muraille Castelnau... |
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| A vos pieds, la voie normale du très couru Pic Nord des Cavales. |
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| Et le Gaspard... et sa gigantesque arête Sud-Sud-Est. |
Mais déjà, il faut songer au retour pour redescendre dans une neige pas trop ramollie. Tirer un rappel ici est déconseillé. Il est préférable de désescalader en répétant toutes les étapes de la montée. Comme vous serez seuls dans cette voie, vous pouvez pour gagner du temps laisser les protections posées à la montée que vous retrouverez ainsi à la descente. Le meilleur à la désescalade descend en dernier; le meilleur en placement de protections solides descend le premier. C'est donc mieux si ces compétences différentes sont équitablement distribuées dans votre cordée...
Au total, une petite course oubliée dans un coin secret du massif, variée, où chaque portion, montée au bivouac comprise, recèle sa part de plaisir. À parcourir absolument !
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| La descente, c'est par ici... |
Col de la Grande Ruine: F, 2h30 depuis le bivouac.
Pic Sud des Cavales, voie normale: PD+, 1h30 depuis le col de la Grande Ruine.
Course non fréquentée, conseillée.
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| Extrait de la carte d'Henry Duhamel (domaine public) |
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Suggestion de matériel:
Corde multilabel de 45m
baudriers légers de ski-alpinisme
crampons
piolet et marteau-piolet pour un élément de la cordée (Note: On ne retape pas les pitons avec un minuscule marteau-piolet ultra-léger de 280g conçu avant tout pour des questions de responsabilité judiciaire pendant les compétitions de ski-alpinisme. Il rebondira sans aucune efficacité. On prend un vrai marteau de rocher en sus de son piolet, ou bien un marteau-piolet comme le Fox Rock de Simond, pesant 445g. - A quand la réédition du formidable P'tit Loup de Charlet, avec le poids tout en tête, par Petzl? - Ce marteau-piolet, dans des courses de rocher à partir du niveau AD ou D doit être porté au baudrier côté droit pour les droitiers, le manche enfilé dans un porte-marteau en sangle, de telle façon de pouvoir le sortir d'une seule main. Une cordelette de 5mm le rendant imperdable va d'un porte-matériel du baudrier au trou de la tête du marteau-piolet, sa longueur étant réglée de telle façon qu'on puisse taper un piton le bras tendu. Sanglé à l'arrière du sac à dos, vous ne retaperez aucun piton!)
2 pitons
cordelette 6mm en vrac (plusieurs mètres) + un canif
4 grandes sangles avec leurs mousquetons
1 petit jeu de coinceurs câblés et un décoinceur chacun
3 friends avec leurs mousquetons
4 dégaines
1 reverso double-corde et son mousqueton à vis + un mousqueton à vis, par personne
1 mousqueton simple + un anneau de prusik par personne
casque selon affinité (oui si plusieurs cordées, nous n'en avons pas nous-mêmes emporté)
lunettes de soleil, gants de ski, bonnet et/ou chapeau
pantalon soft-shell, sous-pull, fourrure polaire, coupe-vent léger
chaussures cramponnables légères et précises (chaussons inutiles)
lampe frontale
trousse de secours
morceau de la carte au 1/25000e et topo
montre-réveil-altimètre et boussole
papier toilette, vivres de course, gourde
nécessaire de bivouac (dont un réservoir 5 litres d'eau si la prise d'eau est éloignée)
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| (Cliquer sur les images pour les voir net.) |
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