Comment grimper en cascade de glace ? 60
Dans La Verge du Démon, vallon de la Selle, 2001 |
De nouvelles cordées autonomes se présentent en cascade de glace. Tandis que la génération précédente montrait plutôt des glaciéristes chevronnés trimballant un passif certain de haute-montagne mais qui n'étaient pas nécessairement des escaladeurs très talentueux, les nouveaux venus viennent de la salle d'escalade et cela se voit. Classiquement un fort grimpeur emmène ses copains tâter de la glace et de la même façon qu'il escalade couennes et falaises un peu partout sans besoin d'assistance, il va s'essayer à ce nouveau matériau en premier de cordée.
La surprise est que ces récents néophytes, non contents d'être extrêmement polis, sont aussi particulièrement posés et réfléchis dans leur escalade. Devant une difficulté, ils commencent par se protéger en brochant et cherchent une solution habile plutôt que les démonstrations de ruée en avant oubliant tout brochage de certains leaders des années passées. On se souvient encore de ce miraculé de l'Alpe d'Huez qui grimpa un bon tiers d'Audace sans savoir se placer pour brocher une seule fois. Après une chute mémorable puis un rebond sur la banquette de neige, il se retrouva de nombreux mètres sous le relais de droite de Symphonie d'Automne, sur le dos et tête en bas. Le gaillard heureusement était de constitution solide.
La capacité nouvelle du grimpeur de salle à reproduire une bonne partie de sa gestuelle sur un terrain si différent doit certainement beaucoup à la manière moderne de grimper introduite par Kim Jain en compétition puis progressivement reprise, avec plus ou moins de réussite, par l'ensemble des compétiteurs.
Remplaçant la course poursuite vers le haut sensée faire atteindre la dernière prise avant de cramer tout à fait ses avant-bras, le délayage dès les premiers mouvements de la voie puis continuel, caractéristique du style inventé par la championne coréenne, puis les longues positions de repos alternées avec les phases dynamiques rapides, c'est à dire l'utilisation de ruptures de rythme, constituent désormais une grimpe totalement exploitable en rocher, même mauvais, ou en glace.
Là où il était déraisonnable d'imiter le grimpeur de plastique qui se ruait sans réfléchir sur la prise vissée suivante, on a maintenant tout à gagner à reproduire intégralement le style Kim Jain, car il permet de mieux gérer la fatigue, de donner le temps de la réflexion, de refrapper son piolet douteux et d'offrir la position de repos pour brocher.
Pendant deux sorties aux Fréaux, nous avons été étonnés de voir que ces cordées presque novices en glace mais forts grimpeurs, cassent très peu. Hier dans La Croupe de… la demoiselle, une fois passée une cordée italienne old school partie à l'aube pour ne pas recevoir dessus les kilos de glace qu'elle ne se privait pas d'envoyer dessous…, le parcours de la longueur clef par une cordée de trois new fashion n'a pas déplacé un seul gramme. Certes, La Croupe, ces jours-ci, était très travaillée et présentait des trous un peu partout comme des fourreaux où enfiler les lames jusqu'à la garde. Mais ceci n'avait jamais empêché les bûcherons de naguère d'expédier quelques armoires normandes à la gloire de leurs énormes biceps.
Kim Jain, maintenant imitée par tous,
la meilleure grimpeuse de sa génération, homme et femme confondus,
dans sa position d'observation et de délayage habituelle.
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Remplaçant la course poursuite vers le haut sensée faire atteindre la dernière prise avant de cramer tout à fait ses avant-bras, le délayage dès les premiers mouvements de la voie puis continuel, caractéristique du style inventé par la championne coréenne, puis les longues positions de repos alternées avec les phases dynamiques rapides, c'est à dire l'utilisation de ruptures de rythme, constituent désormais une grimpe totalement exploitable en rocher, même mauvais, ou en glace.
Ici à la World Cup 2015 en Belgique.
(Cliquer sur l'image pour voir la vidéo)
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Là où il était déraisonnable d'imiter le grimpeur de plastique qui se ruait sans réfléchir sur la prise vissée suivante, on a maintenant tout à gagner à reproduire intégralement le style Kim Jain, car il permet de mieux gérer la fatigue, de donner le temps de la réflexion, de refrapper son piolet douteux et d'offrir la position de repos pour brocher.
Voir encore ici, à la World Cup 2016 en Italie. (Cliquer sur l'image pour voir la vidéo.) |
On trouvera page 109 du manuel une ou deux indications sur la gestuelle propre à la cascade de glace.
Les principes de base se résument rapidement:
1/ Quand on ancre les piolets, on prend une position cambrée: bassin contre la glace pour transmettre le poids sur les pieds, épaules éloignées de la glace pour avoir la distance nécessaire à la frappe.
2/ Quand on ancre les pieds, on fait l'inverse pour ne pas taper le dessus des chaussures au lieu des pointes avant des crampons: on éloigne le bassin de la glace, et cette phase de montée des pieds est plutôt rapide. - Gestuelle ancienne en rocher remarquablement illustrée par les photographies du grimpeur des Dolomites Emilio Comici (1901-1940).
3/ Dernier principe de base, on monte les pieds en direction du piolet qu'on va conserver de façon à se trouver équilibré pendant la frappe suivante, avec un pied de chaque côté du piolet ancré. On a donc déjà choisi quel piolet on va désancrer avant de déplacer les pieds et ce peut être l'engin qu'on vient d'ancrer (par exemple quand il est douteux) de la même façon qu'il y a des relances à la salle.
Les principes de base se résument rapidement:
1/ Quand on ancre les piolets, on prend une position cambrée: bassin contre la glace pour transmettre le poids sur les pieds, épaules éloignées de la glace pour avoir la distance nécessaire à la frappe.
2/ Quand on ancre les pieds, on fait l'inverse pour ne pas taper le dessus des chaussures au lieu des pointes avant des crampons: on éloigne le bassin de la glace, et cette phase de montée des pieds est plutôt rapide. - Gestuelle ancienne en rocher remarquablement illustrée par les photographies du grimpeur des Dolomites Emilio Comici (1901-1940).
Pour le plus raide, un nouveau problème se pose, celui des genoux qu'on ne sait plus où mettre car ils butent contre la glace et empêchent d'ancrer les crampons. Ceux qui bénéficient d'une grande ouverture de bassin imiteront encore Kim Jain en s'accroupissant dans la position de la grenouille. Le déplacement du centre de gravité vers les pieds soulage les mains aussitôt comme en rocher. Pour ceux qui n'ont pas la souplesse suffisante, la lolotte est la solution: dans le raide, on grimpera de profil.