Partir à deux, revenir à deux, illustré par Georges Casella 64

Georges Casella, Du sang sur la neige

A la page 18 de notre manuel, nous écrivions la chose suivante:
"Pour faire une bonne cordée, premièrement il faut un compagnon de cordée fiable, deuxièmement il faut un compagnon de cordée fiable, troisièmement il faut un compagnon de cordée fiable. Vous partez à deux, vous revenez à deux. A la vie, à la mort. Il ne sera pas question d'assister d'autres cordées si cela met en péril votre compagnon de cordée, les choses doivent être très claires. Il est votre - et vous êtes sa - priorité absolue. Le reste est subsidiaire."

L'injonction peut sembler rude, voire caricaturale. 
C'est que tout le monde est pénétré de la notion de "non assistance à personne en danger" sans connaître exactement la teneur de l'article 223-6 du Code Pénal. 
Celui-ci prévoit en effet dans son second alinéa: 
"Sera puni des mêmes peines (qu'à l'alinéa précédent, voir page 240 de notre manuel) quiconque s'abstient volontairement de porter à une personne en péril l'assistance que, sans risque pour lui ou pour les tiers (souligné par nous), il pouvait lui prêter soit par une action personnelle, soit en provoquant un secours.
Le Code Pénal ne nous oblige donc pas à mettre notre compagnon de cordée en péril pour assister une autre cordée. 

Mieux, les tribunaux sont aujourd'hui de plus en plus sensibles à l'abandon, même de courte durée, de son compagnon de cordée. Quand celui-ci est fatigué et vous enjoint de terminer l'encablure menant au sommet sans lui, exaucer son désir (et le vôtre de réussir le sommet!) s'appelle en langage juridique le délaissement. Cette attitude, fréquemment rencontrée, est réprimée avec une grande sévérité par les juges en cas d'accident. 
La conclusion est limpide. Quand le copain ou la  copine s'arrête ici, c'est la cordée entière qui s'arrête ici.


L'atout d'un blog est de pouvoir illustrer un propos par une source extérieure et non seulement par une note placée en bas de page. Si cette illustration est en plus une belle page de la littérature alpine, il n'y a pas lieu de s'en priver. Voici donc la nouvelle de Georges Casella Le devoir, tirée du recueil de récits Du sang sur la neige paru en 1918 à Lausanne (Librairie Payot). On pardonnera la crudité du titre en se souvenant que la Grande Guerre avait un tantinet échauffé les esprits et ce qu'il restait des corps… Cette nouvelle - et d'autres du même auteur - dans laquelle un récit est emboîté dans un autre fait beaucoup penser à la façon de procéder de Kipling dans ses histoires du Pendjab, ce qui n'est pas le moindre des compliments.
(Le livre entier est disponible sur le site Gallica de la Bibliothèque Nationale en cliquant ici.)

Cliquer sur l'image suivante pour télécharger la courte nouvelle de 7 pages en pdf. (Fichier pesant 1,32MB)

Georges Casella, Du sang sur la neige


Qui était Georges Casella?

La biographie de l'auteur, plus complète, a été déplacée dans cet article spécifique.

Georges Casella écrivain et alpiniste
Georges Casella vers la fin de sa vie.
(Source: Gallica.bnf.fr/ Bibliothèque Nationale de France)