Autoassurage en rappel 28

Autoassurage en rappel, noeud de Machard
Nœud de Machard, dit simplement machard.

L'autoassurage en rappel consiste à doubler le dispositif servant de descendeur (reverso ou équivalent) par un nœud autobloquant (prusik, machard, machard français, etc.) ou un bloqueur mécanique (shunt). Le principe est qu'en cas de lâchage de la corde qui annulerait l'effet de freinage du descendeur, le serrage automatique du nœud autobloquant stoppe immédiatement la descente, pour peu que le grimpeur ait la présence d'esprit de ne pas s'agripper à ce nœud.

Naguère, les manuels d'alpinisme proposaient deux solutions pour placer le dispositif: autobloquant au-dessus du descendeur, ou autobloquant au-dessous.
Récemment, les acteurs institutionnels de la montagne (ENSA, FFME, CAF) ont cherché à systématiser un certain nombre de procédures dans le but d'éliminer les sources habituelles d'accident, finalité évidemment louable. Il en a résulté pour l'autoassurage en rappel le choix univoque du placement de l'autobloquant au-dessous du descendeur, ce dernier étant placé au milieu d'une longe à double étage afin de l'éloigner de l'autobloquant. Cette solution a été jugée moins accidentogène et donc sécurisante à la fois pour le stagiaire et pour l'encadrant devant assumer une responsabilité judiciaire. Elle est donc maintenant la seule enseignée.

Avant de traîner ses guêtres en haute-montagne en autonomie, il est indispensable d'incorporer un certain nombre de connaissances. Incorporer signifie connaître les tenants et aboutissants de différentes techniques, c'est à dire savoir les avantages des unes comme les inconvénients des autres. Si dans ce manuel nous préconisons l'alpinisme sans guide, nous ne prônons pas l'alpinisme sans connaissances… 
Aussi, il est indispensable de dépasser l'application scolaire de bases techniques élémentaires enseignées à juste titre, et de maîtriser parfaitement les techniques alternatives qui, dans certaines circonstances ou en raison d'un manque de matériel, peuvent s'avérer les plus indiquées pour se sortir d'une situation précise.

Alors, sur votre débonnaire couenne préférée, un jour de grande lucidité, allez-donc expérimenter (fiches techniques tirées de livres ou d'internet dans la poche) les deux solutions. Utilisez aussi des nœuds autobloquants variés. Essayez différents diamètres de cordelette selon le diamètre de la corde utilisée: corde à simple, corde de rappel, rappel sur un seul brin. Essayez enfin le rappel sans autoassurage.

Il ne s'agit pas ici de corrompre un enseignement qui vous a été donné. Il s'agit d'accroître votre polyvalence. Les situations rencontrées en haute-montagne sont trop variées pour n'emporter avec soi qu'une seule solution technique. Vous irez là-haut sans guide, mais en parfait autodidacte et comme un véritable puit de science. Ceci implique qu'il faudra avoir lu soigneusement, non pas un, mais plusieurs manuels techniques d'alpinisme avant de pousser plus loin que la moraine.

Quelques pistes de réflexion:

Autobloquant sous le descendeur:
    Avantages principaux:
           Les deux mains contrôlent le défilement de la corde sous le descendeur.
           Le freinage dans le descendeur est plus efficace.
           Le risque de serrage excessif du nœud autobloquant est réduit.
    Inconvénients principaux:
           On doit installer un second nœud autobloquant au-dessus du descendeur si l'on doit amorcer une remontée sur corde fixe, ce qui arrive quand on a dépassé le relais suivant qu'on a vu trop tard, situation malheureusement relativement fréquente. Il faut donc posséder la cordelette (ou la sangle) permettant de confectionner ce second autobloquant.
           Le descendeur à distance peut se coincer plus facilement au-dessus d'un surplomb.

Autobloquant au-dessus du descendeur:
     Avantages principaux:
            La remontée sur corde fixe est prête à l'emploi: Pendu à l'autobloquant, on peut ôter son descendeur et installer par exemple un nœud de cœur pour la pédale de pied.
            Le passage d'un nœud est possible.
           Sur corde gelée, le descendeur nettoie la corde de la glace adhérente à la gaine, ce qui la prépare pour garantir l'efficacité du nœud autobloquant.
      Inconvénients principaux:
             La main supérieure servant à faire coulisser l'autobloquant manque pour tenir la corde en aval. A ceci s'ajoute une proximité entre la main aval et le descendeur qui rend moins efficace la tension de la corde. Le freinage est donc moins efficace. On doit parfois pour palier à cet inconvénient enrouler la corde autour d'une jambe pour augmenter le freinage.
               Le serrage intempestif du nœud autobloquant est fréquent. Le blocage de l'autobloquant ne doit pas être considéré comme un accident puisqu'il s'agit justement de ce qu'on lui demande. Il n'y a donc aucune raison de craindre quoi que ce soit. Il faut simplement maîtriser la technique de déblocage qui consiste à plier une jambe en remontant le plus haut possible le genou, à enrouler de nombreuses fois la corde aval sur elle-même autour du pied ainsi levé puis à se dresser debout sur ce pied.  La cordelette n'est alors plus en tension et on peut desserrer facilement l'autobloquant.

Rappel sans autoassurage:
      Dans la pratique, un alpiniste qui a une certaine expérience ne place pas d'autobloquant pour des rappels qu'il juge élémentaires: visibilité de tout le parcours, arrivée au sol, hauteur faible, etc.
       Il existe aussi quelques situations où l'autobloquant peut créer une difficulté supplémentaire. Quand il faut sauter une rimaye large à la fin du dernier rappel, on peut préférer pouvoir se donner un grand mou au moment de jouer à Tarzan plutôt que se trouver bloqué au mauvais moment au beau milieu du pont de neige fragile. Pour un rappel à partir d'un relais spécialement douteux, on peut aussi préférer éviter tout risque d'à-coup et en finir au plus vite plutôt que d'être amené à quelques gymnastiques de déblocage d'un nœud autobloquant. En canyoning, le risque de noyade peut l'emporter sur le risque de lâcher la corde, conduisant à supprimer tout risque supplémentaire de blocage. Sous l'orage, on peut choisir de privilégier la vitesse de descente afin de s'éloigner au plus vite de la foudre. C'est à chacun de juger des priorités du moment. 
     
On a compris qu'un enseignement complet d'alpinisme ne peut pas être dogmatique. Seule la classe élémentaire l'est. Il vous appartient, en tant qu'autodidacte, de faire le tour complet de la question. Bref, avant la prochaine course, réglez ça!

Dans Alpinisme sans guide nous avons considéré que ces notions étaient acquises. Voici en extrait le paragraphe "Révision de vos connaissances" (actuelle page 30).

Connaissances, alpinisme

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