Valgaudémar: séjour sur la Frontière, épisode 2: Autour du col de Pétarel 190



Pratiquer la randonnée, c'est sans doute aimer davantage la montagne que soi-même. C'est aussi une montagne sans horaire et sans matériel, ou peu s'en faut. Les alpinistes qui durent sont souvent ceux qui varient les activités de montagne, ne serait-ce qu'en fonction des saisons. C'est cette variété qui empêche la lassitude. Pierre Chapoutot skiait tout l'hiver, d'autres grimpent à la salle, équipent des couennes, fréquentent les cascades de glace, volent en parapente, marchent en raquettes. Serge Coupé écrivait des livres, pratiquait le ski de fond et prenait des photographies de lacs de montagne.

Le sud de la vallée du Valgaudemar, hormis le Sirac et les Pics du Loup n'intéresse plus le pur escaladeur. C'est le royaume du randonneur, un peu moins depuis que des institutions coupables ont décidé de réintroduire artificiellement une activité de pastoralisme sous perfusion à haut débit d'argent du contribuable. Les cabanes flambant neuves se multiplient, les immenses panneaux publicitaires vantant le pâturage se déploient dans les villages  - comme vous le verrez à votre stationnement à l'Ubac, hameau de Saint-Maurice-en-Valgodemar -, puisque dans notre pays, il semble bien décidé de favoriser toutes les activités économiquement non viables (les autos électriques, les éoliennes, les prétendus "vaccins" inutiles...) et d'empêcher les autres. Le nucléaire est à ce titre un modèle à propos duquel Henri Proglio est intarissable.

Dans la deuxième moitié du mois d'août, ces cabanes, privées d'eau en raison d'un phénomène tout à fait extraordinaire qu'on appelle l'été, sont par chance désertées. Bergers, troupeaux et chiens laissent place à des terrains pelés maculés de déjections comme vous ne pourrez manquer de le constater en passant le premier jour devant les cabanes - l'ancienne et la nouvelle - de la Béranne (2111m). Vous ne risquerez pas de voir passer le moindre chamois sur ces terres dévastées même bien après le départ des molosses, mais du moins garderez-vous vos mollets en bon état. Car on sait bien sûr que ce nouveau pastoralisme ne se contente pas de ruiner l'économie un peu plus... mais qu'il mord...

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La promenade commence peu après Saint-Maurice-en-Valgodemar, en franchissant le pont routier vers l'Ubac. Le premier soir, vous pouvez garer votre fourgon sur le vaste parking aussitôt à droite du pont pour profiter de la baignade dans la Séveraisse. Le parking du départ du chemin est dans l'Ubac devant une sorte de maison communale munie d'une aire de jeux pour enfants. Le chemin commencera un peu plus loin, juste après (direction SE) un petit pont franchissant le torrent de Prentiq.

Le premier jour consiste à monter au col de Pétarel par les chalets de Prentiq. Peu après ces chalets (après les ruches), le sentier se rapproche une dernière fois du ruisseau, et il vaudra mieux ne pas oublier de remplir les gourdes car ce sera la dernière fois de toute la montée. Une fois enfin gagné le col, les deux lacs visibles ne sont pas ceux de Pétarel, situés plus bas, mais ceux de Sébeyras. Le premier est un assez dense habitat mixte d'anoures et d'urodèles, tandis que le second, franchement hors sentier, garantie de tranquillité pour la soirée, bénéficie d'une eau parfaite pour la baignade, qui, bien entendu, est obligatoire... Entre ces deux lacs se trouvent la prise d'eau - à aménager pour tirer quelque chose du mince filet résiduel, micropur? filtre? selon tempérament... - et les emplacements de bivouac à volonté. Si l'orage est prévu pour la soirée, tenter de ne pas se trouver sur la trajectoire du futur torrent rugissant. A la tombée du jour, vous entendrez une ou deux marmottes pousser des cris perçants à l'approche des vautours en rase-mottes qui tentent de terminer avec zèle leur longue journée de travail.


Le deuxième jour est une longue descente d'abord sur les lacs de Pétarel, sentier très fréquenté, puis en prenant à droite vers  Les Portes (on laisse donc à gauche le sentier descendant sur Les Andrieux) où un parcours en balcon dans la forêt est agrémenté de petits passages rocheux câblés mais très faciles.

Les lacs de Pétarel. Au fond, les Pics des Souffles, la Cime d'Orgères et le Pic Turbat

Les emplacements de pique-nique ombragés ne manquent pas après le Pont des Oules (rejoint par le sentier et non par la route non goudronnée), le long du gros Ruisseau de la Navette. On prend ensuite le sentier qui se dirige au sud vers l'Aulp, on passe devant la bifurcation à droite (Ouest) montant à droite du Torrent de la Charanlie vers le col de la Béranne (sentier absent sur l'ancienne carte IGN 3437OT de 1999 qu'on empruntera le lendemain), mais on continue jusqu'à la passerelle franchissant ce petit torrent.

C'est ici qu'on remplit les gourdes pour la soirée et le petit-déjeuner. 50 mètres plus loin, il est commode de descendre à vue (pierrier coupé d'herbes un peu raide) jusqu'au lit  du Ruisseau de la Navette où un excellent emplacement de bivouac ombragé vous attend sur le sable. A éviter bien sûr en cas de risque de pluie car on est exactement dans le lit du fameux ruisseau. La baignade est ici encore à l'ordre du jour.

Un second bivouac parfait par temps sec et sûr

Ce bivouac est le long du bosquet d'arbres situé sous le torrent de la Charanlie

Le troisième jour, on remonte le pierrier pour gagner la passerelle de la Charanlie où l'on remplit les gourdes pour la journée entière, et on remonte l'interminable sentier du col de la Béranne, qui n'en finit jamais à la manière d'un chemin corse dans un paysage très sauvage. Ce versant étant exposé à l'est, on a avantage un jour de forte chaleur à commencer la journée à la frontale. En se levant à 4h30, le soleil ne surprend le randonneur que quand il est parvenu à l'altitude rafraichissante de 2000m. Un bon sentier en traversée relie ensuite le col de la Béranne au col de Pétarel où arriveront bientôt depuis Les Andrieux les promeneurs les plus matinaux, et vous n'avez plus qu'à refaire le parcours du premier jour dans l'autre sens pour regagner vos pénates.

La descente du col de Pétarel sur Maugarnier puis Prentiq

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Au total une petite randonnée tranquille de trois jours, avec même une deuxième journée minuscule quasiment à mi-temps, à caser en guise de repos entre deux entreprises plus sérieuses.

Au loin, l'Olan (par sa voie normale) et la Cime du Vallon