Mieux utiliser ses bâtons de marche 36

Alpinisme sans guide et bâtons de marche

Arnold Schwarzenegger est devenu raisonnable. Il a abandonné les squats lourds.
Inquiet quant à la longévité de ses genoux, il a résumé ainsi le deal de son médecin avec la délicatesse qui caractérise si souvent les Américains… C'est comme avec les vieux pneus de votre voiture qui ne peuvent plus rouler que 10000 kilomètres; à vous de voir si vous voulez faire ces 10000 kilomètres en six mois ou en vingt ans. A 71 ans, Arnold a choisi et privilégie maintenant les exercices d'isolation en machines avec poids relativement légers.

Les alpinistes ayant suivi le même raisonnement que le bodybuilder le plus célèbre de la planète se promènent en montagne avec un ou deux bâtons de marche.
Un bâton si le sac n'est pas trop lourd et que le relief accidenté demandera de saisir une prise de rocher ou le piolet. Deux bâtons si le sac est chargé exagérément.
Souvent, on prend deux bâtons du parking à l'emplacement de bivouac, puis un seul bâton du bivouac au début des difficultés. Ce dernier bâton peut être laissé planté dans la neige à la rimaye et en général, on ne vous le vole pas, et vous le retrouvez à la descente.
Si vous ne repassez pas par ici et que vous ne souhaitez pas porter ce bâton dans les difficultés de la course, vous vous taillez un bâton en bois que vous abandonnez. Une cordée sera peut-être contente, plus tard dans la saison, de disposer d'un matériau pour fabriquer un corps-mort après le franchissement de la rimaye devenue plus ouverte.

Les bâtons de marche sont utilisés de manière plus variée chez l'alpiniste que chez le randonneur. Bien sûr, ce dernier a compris depuis longtemps l'intérêt, dans les marches de flanc, de saisir le bâton amont plus bas que la poignée afin d'éviter d'avoir le bras levé, les fabricants ayant du reste intégré cet usage en plaçant une seconde poignée  sur les bâtons les plus sophistiqués. Mais la variété d'utilisation s'arrête souvent là.
Voici donc quelques astuces.

En pente raide ou en traversée, l'alpiniste utilise fréquemment les deux bâtons réunis - pour davantage de solidité - comme un piolet-ramasse. Cette troisième jambe, plus longue qu'un piolet, est d'une efficacité redoutable. Ici, le bâton en bois (choisir un diamètre suffisant) est largement supérieur au bâton télescopique car sa solidité à toute épreuve permet de s'y appuyer de tout son poids. Le randonneur aurait avantage à utiliser plus fréquemment cette saisie illustrée impeccablement sur la photographie suivante par notre pyrénéiste national.

Bâton utilisé en piolet-ramasse
Patrice de Bellefon dans ses œuvres, utilisant un alpenstock en piolet-ramasse
(tiré de "L'alpinisme", éditions Denoël, 1987, à se procurer absolument sur internet)

Un court passage d'escalade à la montée est réglé en passant les dragonnes des deux bâtons à un poignet de façon à libérer les mains pour saisir les prises. A la descente, on ne s'embête pas avec ses bâtons. On n'hésite pas à les lancer  au bas du passage d'escalade et on les récupère plus bas. C'est plus simple et plus rapide que de les plier et de les fixer sur son sac à dos. Il suffit juste d'être raisonnable dans le lancer pour qu'ils ne se retrouvent pas au bas de la montagne ou sur la tête de quelqu'un…

L'été, il est préférable d'ôter les rondelles qui font déraper la pointe dans les pentes raides. Pour empêcher un bâton en bois de déraper sur un terrain dur, neige ou moraine, on perce un trou à sa base avec un forêt dans l'axe du bâton et on y  installe une vis munie d'un écrou qui sert de pointe.

Pointe d'un bâton de marche
Vis à bois + écrou, pour une pointe honorable à faire soi-même

L'hiver en neige profonde et en pente raide, la rondelle empêche de planter profondément le bâton sans un effort démesuré. On saisit alors le bâton à l'envers et on plante la poignée dans la neige. Quand on brasse dans une poudreuse très profonde, on est parfois obligé de saisir les deux bâtons ensemble horizontalement devant soi et on les appuie sur la neige en exécutant des sortes de tractions incomplètes.

Enfin, dans les longues descentes de sentes abruptes avec des bâtons télescopiques dont le serrage est obtenu par vissage, tâchez de repérer lequel des deux bâtons se desserre toujours de façon intempestive. Selon le geste de votre bras, votre poignet imprime une petite rotation qui pour un bâton ira dans le sens du serrage, et pour l'autre du desserrage. Une fois repéré le problème, n'accordez plus qu'une confiance limitée dans ce second bâton et pensez à le resserrer de temps à autre.