Pointe du Vallonnet, voie du cœur: approche en pays barbare 188

 

Valentin Serov girl se prépare pour la voie du cœur à la Pointe du Vallonnet

L'article n°146 avait présenté le "pilier sud" (D) de la Pointe du Vallonnet. Voici maintenant la "voie du cœur" (TDinf), sans doute aujourd'hui davantage fréquentée que la précédente depuis son rééquipement sur goujons de 2017 , située quelques mètres à droite, et ouverte deux jours avant par les mêmes: C. Amblard et Jean-Paul Froment (de La Mure) le 2 août 1970 (rejoints par J. Salomon le 4 août pour le pilier sud).

Il faut d'abord rejoindre La Mure, haut lieu d'exploitation du charbon de 1768 à 1997 avec une nationalisation des mines en 1946 (3600 mineurs en 1947) et un pic de production en 1966, puis le chômage endémique classique de cette première "transition énergétique", naturelle celle-là, c'est-à-dire suivant l'évolution des techniques et non provoquée artificiellement par malveillance pour de fâcheux prétextes climatiques destinés à ruiner les nations... On prend la première à gauche pour remonter le Valbonnais. A Entraigues, on laisse à gauche la vallée de la Malsanne qui conduit au col d'Ornon (puis à Bourg d'Oisans), pour choisir la vallée de la Bonne et tout va pour le mieux pour quelques kilomètres encore, avec cette Esplanade du 12 août 1944, située sur le bord gauche de la route à 2,5 kilomètres du hameau de Gragnolet, témoin que la République et sa promesse de libertés n'a pu survivre qu'en combattant parfois les entreprises criminelles, dût-on y laisser jusqu'à sa peau pour sauver l'essentiel...

A la commune d'Entraigues, on sait aujourd'hui encore ce que signifie "se battre pour nos libertés". 

Le tableau va nettement se ternir au virage suivant. C'est que l'on sort alors imprudemment de la commune d'Entraigues pour entrer dans celle de Valjouffrey (qu'on ne quittera plus jusqu'au terminus de la route), tenue à la manière obsidionale de Saint-Gervais, le vieux maire sortant (aujourd'hui encore 1er adjoint) cumulant pendant des années cette fonction avec celle de  président du Parc national des Ecrins: un ancien enseignant, les pires.... Une brève consultation du net nous montre que le bonhomme aura coché avec application toutes les cases de ses maîtres: péril climatique en long en large et en travers (bien entendu, la fontaine principale de Valjouffrey est fermée pour l'été, enrubannée de longues déclarations éloquentes de canicule et de sécheresse terminale...), péril sanitaire bien sûr (voir l'image en fin d'article), avec les réunions ad hoc, bien masqué jusqu'aux yeux, décoré en veux-tu en voilà, forcément, par le ministère en personne... C'est dire si nous entrons de but en blanc et au détour du virage dans le cœur du dispositif, celui qui faisait régulièrement entrer Pierre Chapoutot dans des rages folles: "On a compris que ce courant anti-humaniste ne saurait être le mien. Je ne me suis pas bagarré autrefois contre les bétonneurs et les déménageurs du territoire pour livrer maintenant les clés du paradis aux écolos-réactionnaires, aux fascistes verdâtres et aux zoocrates enragés. (...) Ce n'est plus seulement le face-à-face entre les vilains bétonneurs et les doux protecteurs de l'environnement: c'est aussi, entre ceux-ci, l'opposition entre les humanistes et les totalitaires." (La Montagne C'est Pointu, 1996, autoédition) L'agression prend la forme d'un panneau gigantesque, genre trois mètres sur quatre, que dut financer avec  abnégation l'arrangeant contribuable.

Voici avec quelles manières aimables est accueilli le visiteur dans ce cul de vallée. Et on vous passe les collatérales, défendues par le panneau le plus anti-républicain qu'il a été possible d'inventer: "Interdit sauf ayant droit", blessant à raison le jacobinisme du plus complaisant des Français.

L'exaction ne s'arrête pas là. Tandis que vous allez garer votre fourgon pour la nuit en revenant sagement sur vos pas (le meilleur emplacement est encore avant Entraigues au pont couvert des Fayettes) pour éviter la zone interdite et que l'autochtone tentera toute la soirée d'obtenir par intimidation (klaxons, ralentissements et inspection malveillante à chaque passage) ce qu'il n'a pu obtenir par arrêté (l'interdiction ne concernant que la commune de Valjoufrey), préparez-vous aux brimades du lendemain. Le parking du terminus est un modèle du genre. Difficile de faire pis. Mais ce n'est qu'une entrée en matière...

Au parking du terminus de la route, on vous apprend que l'autochtone peut déplacer son auto jusqu'à l'entrée du Parc naturel mais pas vous... Pour les toilettes, l'eau, les poubelles, il faudra faire des allers-retours au hameau. Et peut-être vous faire agresser par un énorme chien dangereux mal tenu en laisse par son maître hilare de tant de fantaisie comme nous l'avons vu ce 10 août dans une ruelle du Désert dont la victime était un innocent promeneur, paisible et âgé, blanc de terreur.

On commence à arpenter le long chemin remontant la Bonne vers Font Turbat en passant d'abord devant les chalets gentrifiés ou en cours pour s'apercevoir très vite que l'indigène n'en est souvent pas un. Les immatriculations sont lyonnaises, savoyardes et haut-savoyardes, drômoises, même marnaises. Faut vous dire, Monsieur, que chez ces gens-là, on n'reçoit pas, Monsieur, on n'reçoit pas, on chasse...


Auparavant, vous vous êtes fait la main sur l'affichage édifiant à gauche des toilettes du centre-ville, dont la littérature est une sorte de chef-d'œuvre:


Puis les injonctions paradoxales, mode opératoire favori des pervers narcissiques, vont se succéder à un rythme endiablé: Amis promeneurs, nous allons vous mordre! On croirait le "Ne courez pas, nous sommes vos amis" du film de Tim Burton Mars Attacks!, quand les Martiens tirent frénétiquement et avec jouissance à la mitraillette sur la foule. Non satisfait des seuls écriteaux de l'arrogance ordinaire, le berger, décidément très inspiré, ajoute sa touche de provocation : "Sur cet alpage se trouvent: Des brebis Des Chiens Un berger. Tout le monde est bien gardé merci." Les fourmis qui vous démangent maintenant dans les doigts  indiquent que si vous rencontrez par malheur le canidé agressif, ce sera à la vie à la mort. L'envie de ramasser un gros morceau de granite et de lui fendre le crâne avec l'habileté d'un Rahan, fils des âges farouches, traverse tout à coup votre esprit. Vous n'êtes plus montagnard mais guerrier du néolithique. Vous ne savez plus au juste si vous souhaitez le combat imminent ou si vous le redoutez. Ce qui est sûr, c'est que vous allez vendre chèrement votre mollet aux proxys déployés sur le terrain pour décourager votre liberté fondamentale d'aller et venir.


Finalement, le chien apprenti dont il était question, un faux patou un peu jaune, sera croisé allongé de tout son long dans un ruisseau, tentant en vain de se rafraichir et bien trop fatigué pour jeter autre chose qu'un regard torve au premier passant. Nous ne doutons pas que quelques années supplémentaires de vexations, de dressage à attaquer un homme déguisé en loup (sic!) et de méchancetés diverses feront de lui un futur psychopathe à la hauteur de ses collègues de l'alpage de Bellefond (Saint-Pierre de Chartreuse). Car il était bien précisé dans le "mode d'emploi pour les nuls" de la chèvrerie de ne surtout pas chercher à sociabiliser le mâtin, des fois que vous réussissiez, avec votre incorrigible amour des bêtes, à le rendre plus aimable... Pas du tout le but de la manœuvre du nouveau pastoralisme pensé par Davos...

___________
Par chance, vous allez bientôt prendre de la hauteur et dissiper votre acrimonie en serrant enfin les prises. A quelques encablures de la cabane de Châtellerat, c'est à gauche, direction le Petit Vallon et ses ruines. Le lieu de bivouac est à peu près plat, agrémenté de myrtilles et évite une approche depuis le refuge nécessitant de monter trop haut à un collu pour ensuite redescendre.



Le lieu de bivouac, 2136m

La sente du lendemain est cette année bien tracée et marquée en jaune fluo. Impossible de se perdre. Quelques moutons échappés du troupeau viendront vous déranger, sans gravité, et surtout sans chien. Il faudra même reconduire vers les siens l'agneau paniqué accourant vers vous comme un dératé en bêlant tout son saoul, vous prenant sans doute pour le berger en titre...

L'approche du lendemain (2heures¼) est simple. La sente jaune amène dans le Vallonnet qu'il faut ensuite remonter en contournant les premières barres rocheuses par la droite dans des éboulis. Quelques pas d'escalade facile dans des gradins rocheux et herbeux en légère oblique à gauche puis une large vire (gros cairns) ramène à gauche avant la dernière barre:

La dernière traversée à gauche de l'approche


On trouve facilement la voie qui commence au pied du large couloir central, à gauche d'un surplomb noir, grâce notamment au premier goujon bien visible depuis le pied de la voie:



En 2017, Pascal Huss, guide de La Mure, a rééquipé la voie, jusqu'ici assez peu fréquentée, pour davantage de sécurité sans toutefois en faire une voie moderne. Les coinceurs restent indispensables, notamment pour la 5e longueur à protéger presque entièrement soi-même:
L1: IV 25m, dans le couloir central. 
L2: IV 40m (fractionnable en deux longueurs en complétant un goujon équipé d'un maillon par un friend dans une fissure proche pour faire office de R2), dans le couloir central. 
L3: IV 20 m, dans le couloir central.
L4: Vsup soutenu, 25m, ancien crux de la voie avant le rééquipement car délicat à protéger par des moyens classiques (pitonnage en se tenant d'une main), pilier raide, aujourd'hui bien équipé. 
L5: Vsup/VI (un pas), 30m, nouveau crux car longueur presque non équipée, en dièdre assez raide légèrement oblique vers la gauche (qu'on trouve après avoir franchi une nervure immédiatement à droite de R4), protégeable essentiellement par friends de tailles moyennes. Un énorme becquet, situé environ aux deux tiers de la longueur et en très mauvaise forme, mérite de la délicatesse. Friend coincé, relativement récent, dans la longueur. On sort du dièdre à droite.
L6: III, 25m, vire et gradins en ascendance à droite en croisant en milieu de longueur le relais de la voie de droite (Cardiaque Blues).
L7: V, 30m, dalles moutonnées en gradins, en ascendance à droite, bien équipée.
L8: IV, 35m, peu équipée, facile à protéger.
L9: IV, 30m, non équipée, facile à protéger, arrivée au sommet.
Les points sont tous très judicieusement disposés, témoignant de la bienveillance de l'équipeur: visibles pour indiquer clairement le chemin, et protégeant efficacement les pas durs. L'équipement est donc parfait, ni trop, ni trop peu. Une dégaine Panic de Kong (petite perche) est un confort supplémentaire.


La paroi, haute d'environ 200 mètres

Les trois longueurs plus relevées méritent de hisser le sac du premier de cordée, les récents progrès réalisés par les fabricants dans la miniaturisation des poulies autobloquantes ne justifiant plus qu'on hésite à en emporter une. La nano traxion de Petzl ne pèse plus que 52 grammes mais a perdu la gâchette permettant de bloquer la griffe en position ouverte. Cette absence, à l'usage, n'est nullement gênante. Hisser le sac du premier de cordée permet d'emporter chaussures, vêtements chauds, crampons en début de saison, sandwiches et eau, sans se faire peur dans les longueurs difficiles et surtout sert de passeport pour les futures voies TD longues où le hissage deviendra incontournable. Comment hisser? C'est à l'article n°129.
La corde conseillée dans ce genre de voie est évidente: le rappel 2 x 50 mètres, qui permet une réchappe facile à tout moment en cas d'imprévu (blessure, mauvais temps) et autorise le hissage.

Soit on ressort le vieux sac d'alpinisme déjà un peu fichu, soit on prend en sus un sac spéléo pour épargner son beau sac d'alpinisme ultra-léger qui a coûté une fortune et qu'on va laisser sagement au bivouac...

Descente de la Pointe du Vallonnet par la voie normale: (rapide et facile)

Aller à la petite brèche suivante (à environ dix mètres) en passant à droite du fil. Descendre à gauche (côté Petit Vallon, c'est-à-dire ouest) une courte dalle (exposée pour le dernier à descendre mais facile) puis remonter aussitôt à l'arête par une rampe ascendante à droite qui débouche à une nouvelle brèche où se trouve l'anneau de rappel installé sur un énorme bloc carré. Voir sa photo à l'article n°146.
Rappel de 25m (donc côté est et non côté Petit Vallon) puis désescalade en longue traversée à gauche (nombreux cairns) pour rejoindre le névé en début de saison ou les pierrailles ensuite (crampons ou piolet alors inutiles). On redescend ensuite les éboulis du Vallonnet (sans désescalade, ne pas retourner dans les barres à droite en descendant!) jusqu'au sentier aux marques jaunes reliant le refuge de Font Turbat aux ruines du Petit Vallon.


Au total, une escalade agréable sur un rocher correct très bien équipé sans transformer le tout en voie moderne. A conseiller.

_____

Petit budget? Poulie perdue ou oubliée? Le nœud de circonstance pour hisser un sac:

Nœud de cœur, alpinisme
Deux mousquetons à peu près de la même taille, on mousquetonne les deux, puis on tourne autour de l'un des deux en repassant entre les deux. Quand on tire sur le brin séparant les mousquetons, la corde coulisse. Quand on tire sur le brin entourant les deux mousquetons, la corde est bloquée.


_____

En ce temps-là, le pastoralisme ne relevait pas d'un capitalisme de connivence mais représentait une activité économique créatrice de richesse et non destructrice de libertés. Et on serrait déjà les prises...
Ernest Victor Hareux, peintre de montagne

Ernest Victor Hareux, peintre de montagne

Ernest Victor Hareux, peintre de montagne

_____

Au Parc des Ecrins, on n'a évidemment pas oublié de participer avec obéissance à la maladie imaginaire alors qu'il ne semble pas que les préoccupations de santé publique soient dans les attributions de l'institution, le tout pour vous faire porter un masque en peine nature!

Capture d'écran du site du Parc des Ecrins à la rubrique "boutique"