La Coupé-Parat de la Tête Sud du Replat "aménagée" 185

 La petite face sud de la Tête Sud du Replat, circonscrite entre l'arête SSO (Chomat, Germain, 1943, AD, très conseillée) à gauche et l'éperon Sud habituellement nommé pilier Chèze (Pinçon, Aguétant, Chèze, Rutsart, 1966, D, conseillée) à droite, compte quatre voies: Une voie moderne Cambon (père et fils)-Mansiot, entièrement équipée sur goujons, datée de 1999; une voie dite "de gauche" de 1964 sur rocher douteux (D à D+); la voie Coupé-Parat, dite voie "de droite", qui est la plus ancienne, datant du 2 août 1961, et cotée D+; et le couloir sud remonté en 1973 par Buffet et Ziegler mais bizarrement non coté et décrit de façon expéditive.

Voie Coupé-Parat de 1961 à la Tête Sud du Replat

La Coupé-Parat qui nous intéresse, ancienneté oblige, remonte la face juste à gauche du couloir qui la sépare du pilier Chèze. Une fois sur place, un premier constat s'impose: Sa première longueur a été, à peu de chose près, avalée par la voie moderne, de sorte qu'il est inutile de s'entêter à vouloir "exposer" à quatre ou cinq mètres de la ligne de spits, sur un rocher compact aux fissures bouchées, pour arriver quasiment au même endroit. R1 sera donc naturellement le premier relais de Replat C'est Beau.

Puis on s'échappe à droite par des gradins faciles, car on est ici pour pratiquer l'alpinisme... le vrai... R2 se situe sur la lèvre du couloir qui forme à cet endroit un petit promontoire suivi d'un petit replat.

Topos d'escalade de Serge Coupé

La suite est plus fâcheuse. On aimerait, bien sûr, mettre scrupuleusement ses chaussons dans les pas du Serge Coupé (1925-14/4/2020), très fort grimpeur des Préalpes, que l'apprenti-montagnard a connu par la lecture de ses topos complets des falaises du Vercors et de la Chartreuse, aux éditions Edisud (premier topo de Serge Coupé sur les Escalades du Vercors et de la Chartreuse  diffusé en 1963 par la FFM, puis publications chez Arthaud de 1973 à 1983), mais voilà! Au-dessus de R2, le rocher de l'Oisans, réussissant comme d'habitude ce tour de force d'être à la fois d'une solidité non irréprochable et avare en placements de protections, on se souvient qu'il n'était pas toujours recommandé de répéter toutes les longueurs de l'artiste, d'apparence tout petit mec mais fruit rare et dur d'une sévère sélection naturelle qu'avait su opérer sans commisération le caractériel calcaire fracturé de Chartreuse, très difficilement pitonnable, lequel avait pendant quelques décennies rempli équitablement nos cimetières. Ce n'est pas le colossal Victor Chaud, célèbre guide de l'Oisans aux épaules les plus massives de la Création, qui aurait dit le contraire, après avoir péri dans la dangereuse voie Fourastier-Madier de la face Nord du Râteau, trois jours après que Coupé l'avait réussie - il avait 27 ans - le 25 juillet 1952...

A droite, le fameux couloir de la voie étrangement non cotée, propre, dépourvu de pierrailles, au rocher sain, est une tentation insurmontable. Un seul pas un peu délicat et R3 se présente très vite, sur la rive gauche du couloir (donc à droite), sous la forme de deux vieux pitons rassemblés par une cordelette et un maillon plus récents, sans doute une réchappe du pilier Chèze très fréquenté qui surplombe le couloir.

La 4e longueur, longue, remonte le couloir, d'abord sur son bord droit, puis à gauche (1 piton avec 1 pas de IV), enfin à droite. Elle est assez exposée.

La 5e longueur remonte encore le couloir (1 pas de IV au début), presque jusqu'à la grande grotte dépourvue de moyens de faire relais, puis s'en échappe par un crochet à gauche sur une petite terrasse. Vous trouverez un câblé n°3 coincé et maté au marteau par nos soins, additionné d'un piton noir en acier dur 80cm au-dessus, non reliés. A retaper. (On retape un coinceur maté profondément dans une fissure, pour vérifier sa bonne tenue, en posant dessus la lame à bout carré d'un piton en acier dur et en tapant au marteau sur ce piton. C'est de cette façon qu'on mate un coinceur plus profondément que l'affleurement des lèvres de la fissure avec l'intention de l'abandonner quand on utilise un marteau-piolet et non un marteau de rocher dont le bec convient à cet usage. Cela évite de devoir frapper avec la lame et de détériorer son tranchant.)

La 6e longueur, très courte pour éviter un fort tirage, franchit à gauche la lèvre du couloir, et on se retrouve à un bon relais (becquet  + piton) de la variante en V décrite par Labande (itinéraire n°172-1 de l'édition de 2007). Revoilà la Coupé! A se demander si les répétiteurs de la Coupé n'avaient pas pris l'habitude de faire exactement comme nous sans le dire, jusqu'à ce qu'une cordée peut-être plus franche que les autres, Buffet et Ziegler, avoue en 73 avoir remonté le couloir et n'avoir pas répété tout à fait la voie du maître? D'où l'absence de cotation et la description succincte qui n'évoque pas la sortie du couloir. C'est une simple hypothèse.

Depuis R6, vue vers le bas

La 7e longueur est le crux. Une très belle longueur, assez courte, en dièdre, raide, en bon rocher, protégeable partout, en V.

Dans L7

Une 8e et dernière longueur est une traversée facile sur bonnes prises pour rejoindre à droite la sortie du pilier Chèze. Il reste une portion d'arête facile équivalente à une longueur et demi de corde pour arriver au sommet.

Au total, une course valant D, totalement oubliée et pas trop exposée avec cette façon de faire.


[Serge Coupé avait obtenu une licence de droit et fait carrière à Chambéry où il était devenu le directeur de l'Office des H.L.M. Il passa son "guide" en 1954, classé deuxième de sa promotion, mais sans pratiquement jamais ensuite exercer ce métier. Il publiera des livres de photographies des lacs de montagne en sus de ses topos particulièrement précis. Pour se faire une idée de l'enthousiasme que dégageait Serge Coupé, il faut se procurer La Meije Reine de l'Oisans, livre de Pierre Chapoutot (2000, éditions Hoëbeke) et aller à la photographie de la page 96. On y voit Coupé, debout torse nu, affûté, à la table de Victor Chaud, de 15 ans son aîné, à la Grave, le 27 juillet 1952, lui décrivant son ascension de la face Nord du Râteau l'avant-veille.

Le Lyonnais André Parat a laissé des voies un peu partout dans les Alpes dans les années soixante, mais aussi dans des sites d'escalade comme Buis les Baronnies ou les Dentelles de Montmirail. Il a notamment formé une très forte cordée avec Yannick Seigneur. Leur voie, maintenant partiellement spitée, à l'Aiguille de Praz-Torrent dans le massif des Aiguilles Rouges connaît un grand succès depuis qu'elle a été popularisée par Jean-Louis Laroche et Florence Lelong dans leur Ascensions au pays du Mont-Blanc , éditions Glénat, 2000. Il grimpe aussi avec Roger Chèze. Il a fini par s'installer en 1980 à Rochefort-Samson, dans la Drôme, au pied des gorges qu'il a équipées en pitons scellés pour de formidables "terrains d'aventure". C'est ici que nous avons gravi nos premières grandes voies en 93.]

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Approche de la voie Coupé-Parat à la Tête Sud du Replat
Approche et retour de la voie Coupé-Parat, vue depuis les abords du col de la Grande Ruine (voir article n°184)

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Même cordée, vingt-quatre ans plus tôt...

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