Jean-Michel Cambon est mort 108

Retrouvé jeudi soir au pied d'une falaise du Trident de Cognet, près de Ponsonnas, le charismatique "Instituteur de très-haute-montagne", comme il aimait se pasticher lui-même, a fait une chute fatale.

Plusieurs fois cité dans notre manuel et source d'inspiration, Jean-Michel Cambon avait su trouver le bon ton pour enseigner l'alpinisme sans guide, par petites touches innocentes parsemées dans ses topos . En le lisant, le jeune montagnard était à la fois gagné par l'envie de se dépasser, à la fois convaincu que trop de courage tue précocement. En transmettant cet enthousiasme souvent élitiste mais en sachant avertir à temps les plus téméraires, le père Cambon a sans doute suscité autant de vocations alpines qu'il a sauvé de vies à son insu. C'était un plaisir de le croiser à la Bérarde ou de partager sa table et celle de son grand ami Yves Ghesquier au refuge du Châtelleret l'année où ils terminaient tous les deux Le Toit de son Maître à la Grande Ruine. La seule évocation de son nom pouvait parfois galvaniser la cordée. Ainsi à nos débuts ma compagne au refuge du Promontoire, désespérée un matin de devoir annuler la course prévue pour cause de douleur à sa cheville gravement accidentée quelques années plus tôt sur une couenne de la Drôme. Après lui avoir proposé d'appeler l'hélicoptère pour la descente, Marielle Tuaz, la célèbre gardienne (de 1991 à 2002), la taquina en la voyant marcher maladroitement: "Oh mais vous marchez comme Cambon marche au réveil, sur les talons! Allez vous verrez qu'on peut pratiquer l'alpinisme quand même, la preuve." Il n'en fallait pas plus pour que le caractère volontaire de l'apprentie montagnarde se réveille instantanément et la descente sur La Bérarde fut avalée dans la bonne humeur malgré la douleur et le handicap. Jean-Michel Cambon a su motiver une génération entière d'alpinistes. Mille remerciements.
Toutes nos condoléances à son épouse et à ses proches.
Article du Dauphiné en lien.
Le témoignage de son fils Sylvain ici.

Jean-Michel Cambon, décès
Une partie de l'œuvre de Jean-Michel Cambon, commencée en 1988 avec Les 60 escalades les moins pires de l'Oisans, la totalité étant en autoédition (honte au monde de l'édition). Bien plus que de simples topos, ces ouvrages font partie de la bibliothèque minimale de tout alpiniste sans guide et ont bien entendu grandement inspiré la rédaction de notre manuel.

Face sud de la Tête de la Maye, Jean-Michel Cambon
Un exemple parmi tant d'autres, la face sud de la Tête de la Maye, au-dessus de La Bérarde, est un des terrains de jeu fabriqués par Jean-Michel Cambon: 10 voies sur les 17 que compte la paroi. Il ne déplaçait pas les montagnes, mais presque. (Première voie ouverte ici en 1985 par Fabrice Biraghi et Philippe Samard, puis trois voies ouvertes par Christian Buffière et Denis Lainé de 1986 à 1989.)