Albert 1er de Belgique, un roi alpiniste 20

Albert 1er de Belgique et alpinisme sans guide


La Belgique fut conçue par l'Angleterre au Congrès de Vienne (1815) comme un Etat tampon. Dirigée par le prince d'Orange, elle était destinée à éviter que la France, la Grande nation, susceptible de retour de révolution  comme il existe des retours de peste, ne pointe de nouveau ses canons jacobins ou impériaux depuis les Bouches de l'Escaut. L'influence de Metternich, meneur de la politique européenne de 1815 à 1848, donna la solution d'une réunion des provinces belges aux Pays-Bas, le chancelier autrichien étant davantage soucieux des questions de légitimité dynastique que de l'homogénéité des nations. La situation tint 15 ans. En 1830, lancés par le clergé belge qui accusait les Hollandais de calvinisme étroit, les Etats généraux proclamèrent la séparation, l'indépendance de la Belgique et sa neutralité. La demande de secours de la Hollande auprès du gendarme de l'Europe, le tsar Nicolas 1er, n'y fit rien. A la conférence de Londres de 1831, les puissances (Angleterre, France, Russie, Autriche, Prusse) acceptèrent la scission, avec encore en 32 une intervention du maréchal Gérard envoyé par Soult pour empêcher une reconquête hollandaise.

Mais réduire la Belgique à une simple couverture de la perfide Albion serait oublier les têtus antécédents d'un peuple qui n'a guère l'habitude de s'en laisser conter. Cette forte personnalité remonte à loin. Jules César écrivait en 52 avant: " L'ensemble de la Gaule est divisé en trois parties: l'une est habitée par les Belges, l'autre par les Aquitains, la troisième par le peuple qui, dans sa langue se nomme Celte, et dans la nôtre, Gaulois. (…) Les plus braves de ces trois peuples sont les Belges, parce que les marchands y vont très rarement, et par conséquent, n'y introduisent pas ce qui est propre à amollir les cœurs." (Jules César voudrait-il nous inciter à bivouaquer sommairement plutôt que dormir en refuge?)

Albert 1er, dont on connaît sur le glacier du Tour le refuge qu'il a financé, concilia sa charge royale avec la pratique de l'alpinisme sans guide. Il eut notamment pour compagnon de cordée habituel Charles Lefébure*.
Neveu de Léopold II, il ne devint héritier du trône en 1909 qu'à la faveur de trois décès successifs (1869, 1891, 1905). Dès 1909, il émit de vives critiques concernant la gestion des crimes commis au Congo. Son règne fut un exemple, particulièrement pendant la Grande guerre. Le 4 août 1914, il donne l'ordre de faire sauter deux ponts sur la Meuse à 6 heures du matin, choix lourd de conséquences. Deux heures plus tard, les troupes du Reich entrent dans le pays, le chancelier Hollweg qualifiant la neutralité de la Belgique de chiffon de papier. Aussitôt, Londres déclare la guerre à l'Allemagne (la City qui était en affaires avec l'Allemagne avait pourtant présenté ses réticences mais les questions de sécurité du pays devant la possibilité d'effondrement de la France face à l'Allemagne et bien sûr la suprématie sur les mers menacée par l'accroissement récent de la flotte allemande avaient pesé sur la décision), surprenant Guillaume II convaincu qu'il était d'être immunisé en sa qualité de petit-fils préféré de la défunte reine Victoria. Asquith (PM britannique) lance une propagande pour galvaniser le peuple belge et crée le mythe du Roi-Chevalier. La quasi-totalité de la Belgique va ensuite subir un dur régime d'occupation. En octobre 1914, le gouvernement belge se replie en France près du Havre, à Sainte-Adresse, mais le roi refuse de le suivre et reste à La Panne, en territoire belge, près du front qu'il visite régulièrement (il sera imité en cela après novembre 17 par le nouveau président du Conseil Clemenceau). En avril 1915, le roi autorise son fils Leopold, 13 ans, à s'engager dans le 12e régiment de ligne comme simple soldat. 
La résistance belge va contribuer à faire échouer le plan du comte Schlieffen consistant en une victoire décisive contre la France dès les premières semaines. Le front se fige après la bataille de la Marne (septembre 1914) conçue par Joffre, aidée par l'intervention de Galliéni, gouverneur militaire de Paris. Dès lors, la supériorité militaire des Empires centraux ne peut perdurer, les alliés allant mettre en œuvre progressivement le potentiel humain et économique que leur donnent leur ouverture sur les mers et leurs empires coloniaux.
Le 17 février 1934, après une œuvre de reconstruction de la Belgique, Albert 1er, qui s'entraînait régulièrement, se tua dans une chute en solo sur un site d'escalade de Namur. (Pour la polémique concernant les causes du décès, c'est ici.)

*Charles Lefévure livra en 1901 Mes étapes d'alpinisme, édité à Bruxelles. Il avait débuté l'escalade avec le père d'un camarade, l'industriel Ernest Solway qui a donné son nom à la célèbre cabane de secours perchée à 4003m sur l'arête du Hörnli au Cervin.