Quelle est la bibliothèque minimale? Les 8 livres qu'il faut absolument posséder. 62

La transmission orale, c'est sympathique. Seulement, voyez où ça a mené l'Afrique. Un continent entier incapable de lutter efficacement aujourd'hui encore contre une néo-colonisation qui ne dit pas son nom ou contre le règne de la machette la mieux trempée. Seule issue trouvée, les réseaux maçonniques ayant pour vocation affichée de diffuser un peu de la culture occidentale des Lumières. Autrement dit, selon l'aphorisme en vigueur dans l'Europe paysanne et communautaire du début du XVIème siècle: "Malheur à l'homme seul."
Pour qui souhaite s'individualiser plutôt que se résigner à être le membre d'un groupe, c'est à dire devenir un homme libre, l'outil émancipateur le plus efficace n'a jamais été le druide, le prêtre, l'instituteur, le chef communautaire ou syndical, le gourou, mais l'écrit.

Voici d'abord quatre livres d'alpinisme généralistes qui font aujourd'hui autorité en langue française. En les lisant, on tiendra bien sûr compte de la date de chaque ouvrage en exerçant son sens critique.
Les deux volumes suivants détaillent l'utilisation des pitons qui sont peut être négligés au profit des coinceurs dans des massifs comme celui du Mont Blanc mais qui restent indispensables sur le gneiss caractériel du massif des Ecrins.
Les deux derniers sont consacrés à la glace. Après leur lecture, sûr que l'été prochain, vous ouvrirez votre saison avec le Gioberney par le mur de glace.

Les 9 livres d'alpinisme à posséder absolument
Ce n'est pas le dernier opus de l'école mais c'est le plus complet. LA référence actuelle. (1997)


La dernière livraison de l'ENSA, obligatoire pour la nouvelle façon de contenir la chute de facteur2. (2016)


Pendant des années, jusqu'à la parution du volume ici en tête de gondole, ce livre a été LA référence. Pour cette seconde édition (1988), le chapitre juridique avait malheureusement disparu. 


Ici la deuxième édition du pyrénéiste le plus célèbre. L'ouvrage est très complet, une véritable mine. Tout montagnard possède ce livre. (1977, 1987)


Vous venez de lire les quatre références actuelles en langue française mais vous ne savez pas encore planter les pitons. Ici vous allez savoir.(1987)


Pour agrandir votre plantation de pitons et connaître les dernières bidouilles.(2004)


Cette fois ça y est, avec les 6 livres précédents, vous savez grimper en rocher. Mais il faudrait peut-être apprendre la glace… Ici, la vieille référence Absolue de Chouinard.(1978, 1981)


Ce livre est peu connu et c'est incompréhensible. Manier ses crampons dans ces pages devient limpide. Bruno Gardent a longtemps tenu une rubrique technique formidable dans Montagne-magazine. (1990)

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Si nous avons usé un peu d'encre pour commettre un nouveau volume, c'est qu'il nous manquait plusieurs choses. 
La première était la nécessité de clamer haut et fort qu'on apprend dans les livres et qu'affirmer le contraire nous semble être de la dernière stupidité. 
La deuxième était de souligner que l'alpinisme est un jeu pour adulte et qu'un adulte a lâché depuis longtemps la main de son papa et de sa maman. Non, au contraire de certaines vidéos consternantes, une "cordée autonome" n'est pas une cordée simplement détachée de la corde du guide qu'elle suit à quelques mètres de distance…
La troisième était de valoriser l'authenticité de l'alpinisme de loisir, celui qui se déroule après un entraînement très incomplet, sur un terrain inconnu, sans radio, sans accompagnement par hélicoptère ni routage météo, en compagnie de son partenaire pas plus doué que soi-même.
La quatrième était de renvoyer énergiquement les curateurs à leur métier d'éducateur sportif, non par détestation morbide, sentiment qui nous est étranger, mais parce que qui aime bien châtie bien. L'allégation selon laquelle le client ne serait pas demandeur d'une leçon d'alpinisme ne pourra prospérer. Si la résistance de l'élève était une bonne raison pour cesser d'enseigner, toutes les écoles de France et de Navarre mettraient la clef sous la porte. Etre enseignant ne consiste pas seulement à transmettre un savoir mais aussi à communiquer l'envie d'apprendre, ou plus modestement à vaincre de façon très momentanée, le temps limité d'un cours, la rébellion naturelle que nous opposons tous à la difficulté d'être instruits. Il est grand temps, en 2019, qu'au lieu de l'habitude d'avoir à nous écarter au passage vrombissant  de cordées trop pressées, nous traversions sur les arêtes de nos massifs des salles de classe en plein air où seraient dispensées de belles leçons d'alpinisme.
Une cinquième était de réintroduire le chapitre de droit qui existait dans Technique de l'Alpinisme (Bernard Amy et coll., Arthaud, 1977), ensuite malheureusement disparu au profit d'ouvrages spécialisés. Mais achète-t-on ces ouvrages? Beaucoup plus indispensables en 2019 qu'en 1977, les notions élémentaires de responsabilité civile et pénale devaient être rappelées de façon simple et brute, sans discours pervers culpabilisant, dans un but préventif. Ceux qui veulent aller plus loin auront les références bibliographiques.

En conclusion de cet article consacré aux livres, on rappellera la vieille règle d'hygiène intellectuelle élémentaire: Un livre, quel que soit son horrible contenu, n'est jamais tant suspect que ceux qui appellent à en faire un autodafé. Pour illustration savoureuse, la deuxième page de La Chartreuse de Parme (Stendhal, 1839):

  "Au moyen âge, les Lombards républicains avaient fait preuve d'une bravoure égale à celle des Français, et ils méritèrent de voir leur ville entièrement rasée par les empereurs d'Allemagne. Depuis qu'ils étaient devenus de fidèles sujets, leur grande affaire était d'imprimer des sonnets sur de petits mouchoirs de taffetas rose quand arrivait le mariage d'une jeune fille appartenant à quelque famille noble ou riche. Deux ou trois ans après cette grande époque de sa vie, cette jeune fille prenait un cavalier servant: quelquefois le nom du sigisbée choisi par la famille du mari occupait une place honorable dans le contrat de mariage. Il y avait loin de ces mœurs efféminées aux émotions profondes que donna l'arrivée imprévue de l'armée française. Bientôt surgirent des mœurs nouvelles et passionnées. Un peuple tout entier s'aperçut, le 15 mai 1796, que tout ce qu'il avait respecté jusque-là était souverainement ridicule et quelquefois odieux. Le départ du dernier régiment de l'Autriche marqua la chute des idées anciennes: exposer sa vie devint à la mode; on vit que pour être heureux après des siècles de sensations affadissantes, il fallait aimer la patrie d'un amour réel et chercher les actions héroïques. On était plongé dans une nuit profonde par la continuation du despotisme jaloux de Charles-Quint et de Philippe II; on renversa leurs statues, et tout à coup l'on se trouva inondé de lumière. Depuis une cinquantaine d'années, et à mesure que l'Encyclopédie et Voltaire éclataient en France, les moines criaient au bon peuple de Milan, qu'apprendre à lire ou quelque chose au monde était une peine fort inutile, et qu'en payant bien exactement la dîme à son curé, et lui racontant fidèlement tous ses petits péchés, on était à peu près sûr d'avoir une belle place au paradis."