Quel climat pour l'alpiniste? 83
La petite société alpinistique apparaît comme le terreau idéal de la propagande climatique. Plusieurs raisons à cela.
Certaines, accessoires, tiennent à l'origine socio-économico-géographique des pratiquants (grosso modo le jeune citadin ému par une nature trop lointaine) ou à un profil psychologique particulier (voir l'excellent chapitre La psychologie de l'alpiniste par Paolo Calegari, dans Alpinisme moderne, Arthaud, 1974, pour le sentiment d'insécurité conduisant à la réunion en associations). Chanter en chœur dans le confortable réfectoire du refuge du Promontoire une religion autorisée a le mérite de rassurer tout le monde. C'est l'effet messe.
D'autres raisons sont directement liées à l'absence de culture scientifique, mais ceci ne diffère en rien de la population générale. On ne sait pas qu'une science procède par tâtonnements, hypothèses, erreurs, découvertes par hasard, et qu'un scientifique, à la différence de l'orviétan ou de l'homme politique, évite les affirmations péremptoires et les conclusions définitives. Surtout, qu'il limite toujours ses résultats au domaine étroit de ses expérimentations sans se permettre d'extrapoler. Ainsi, le profane est d'ordinaire parfaitement déçu par le discours scientifique qui lui rend davantage de questions que de réponses et, au contraire de la philosophie, des religions, des idéologies totalitaires et du charlatanisme, n'apparaît que comme un piètre recours pour conduire sa vie.
Mais la cause première est, comme souvent, historique.
C'est l'ascension du Wetterhorn en 1854 par le juge Wills (cf. p.6 de notre manuel) qui marque le début de ce qu'on a appelé l'âge d'or de l'alpinisme. En 1857 est fondé à Londres le plus ancien club alpin, l'Alpine Club, sous l'impulsion d'Edward Shirley Kennedy. Les premières livraisons écrites seront deux séries en trois volumes de Peaks, Passes and Glaciers publiées entre 1859 et 1862 (voir ici Michel Tailland). En 1863 est créée une revue régulière, l'Alpine journal, ainsi que le premier guide alpin sérieux, le Ball's Alpine Guide, sous la signature de John Ball, premier président du club (cf.p.161 de notre manuel).
Comme l'écrit Alain Minc à propos de la naissance de la mémoire ouvrière française - "La mémoire ouvrière ne commence pas rue Transnonain sous la monarchie de Juillet, mais au mur des Fédérés pendant la semaine sanglante." Une histoire de France, Grasset, 2008 - la mémoire de l'alpinisme mondial ne commence pas en 1574 avec la parution du De alpibus commentarius de Josias Simler à Zurich, mais à Londres en 1859 dans les locaux de l'Alpine Club.
L'ouvrage de Ball sera réédité en 1866, 1870, 1877, avant sa refonte par Coolidge en 1898. Les innombrables récits de courses et descriptions topographiques précises les plus anciens remontent donc à cette époque, qui est aussi celle des dernières décennies du petit âge glaciaire. L'alpinisme, discipline récente, n'a jamais été pratiqué avant cette période particulièrement froide.
L'Institut d'études politiques de Paris, fondé aux débuts de la Troisième République, a très bien compris les enjeux de l'enseignement de la discipline historique. L'histoire de France n'est enseignée à Sciences Po qu'à partir de la grande Révolution, faisant ainsi ignorer à ses étudiants, en bon esprit républicain anticlérical, le long temps médiéval de la fille aînée de l'Eglise. Clovis n'a pu construire l'unité des Francs Saliens puis de la Gaule que grâce à son baptême; les péripéties du gallicanisme confirmèrent la puissance politique continue du pouvoir profond des évêques et de la papauté. N'enseigner l'histoire de France qu'à partir de 1789 introduisait un biais commode qui permettait d'identifier notre pays à la laïcité et à la république en effaçant son long passé chrétien. Selon la date butoir de la mémoire, la perception du monde n'est pas la même.
De la même manière, naturelle cette fois, la mémoire la plus ancienne de l'alpinisme coïncidant avec la fin du petit âge glaciaire, il devenait facile d'édifier le montagnard qui n'a connu que cela, quant au recul des glaciers, l'ouverture des rimayes, les éboulements gigantesques par fonte du pergélisol.
Non seulement l'alpiniste avait ces éléments concrets sous les yeux et pouvait apprécier chaque saison la réalité et l'ampleur du retrait glaciaire récent, mais il disposait aussi de nombreux témoignages écrits décrivant des couloirs de neige disparus, des accès rocheux aujourd'hui impossibles, des départs de voies maintenant perchés une ou deux longueurs au-dessus de la roture, et autres chamboulements d'un terrain de jeu qu'il avait cru immuable.
Cette vision d'un réchauffement inédit, donc forcément causé par la société industrielle, est pourtant celle déformée de la caverne de Platon. Car si l'alpinisme avait recensé ses exploits dès l'an mil, en plein optimum médiéval (voir cette courte vidéo où le physicien Brian Catt détruit en quelques instants l'imposture climatique), quand la température était bien plus haute que celle d'aujourd'hui, probable qu'on commencerait à retrouver enfin sous les langues glaciaires défaites les traces de passage coïncidant aux descriptions d'accès des Cambon de l'époque: "Accès à la face Sud de la Meije: crampons inutiles dès le 14 juillet, le glacier des Etançons ayant entièrement fondu depuis la dernière édition de 1004. Attention aux chutes de pierres provenant de l'ancien glacier Carré disparu définitivement en 1002."
Quelques liens pour aller plus loin:
- Conférence de Vincent Courtillot. (Attention à l'Association des Climato-Réalistes, officine de fausse opposition qui participe à partir de 2020 à la propagande covidiste, et qui a capturé quelques scientifiques de qualité comme Vincent Courtillot, comme Réinfocovid a su capturer des Pierre Chaillot, Ariane Bilheran et Laurent Toubiana.)
- Travaux de Henrik Svenmark, film Le secret des nuages, partie 1/5.
- Qui est James Shikwati, qui lutte contre le chantage climatique visant à empêcher le développement économique de l'Afrique?