Cachez cette perche que je ne saurais voir. 48

Vous n'avez pas honte?...

Parce qu'une petite perche vaut mieux qu'un long vol.
Parce qu'il faut faire parler les bavards.
Parce que trop de frayeur conduit à ne plus grimper qu'en salle.
Parce que l'éthique en toc mérite notre dédain.
Parce qu'il faudrait être fou pour dépenser plus.
Parce que cela ne pèse pas grand chose.
Parce que l'évadé de prison utilise tous les moyens pour éviter la fracture de l'astragale.
Parce que l'utilisation d'un outil est très tendance depuis homo habilis et homo ergaster.
Parce que c'est trop facile.
Parce que là où il y a de la gêne, il n'y a pas de plaisir.
Parce qu'il faut lutter contre la dictature des grands.
Parce qu'on souhaite pouvoir courir toujours.
Parce que ça fait moins mal.
Parce que votre assureur est pauvre.
Parce que le déficit de la sécurité sociale vous fait frémir.
Parce que je fais ce que je veux.
Parce que vous faites ce que vous voulez.
Parce que les autres sont trop jaloux quand vous sortez votre perche.
Parce que vous la prêtez contre un biscuit sans gluten.
Parce que vous êtes devenu grâce à elle la coqueluche des sites d'escalade.
Parce que ceux qui vous détestent le plus sont ceux qui vous envient le plus.
Parce que vous aimez toujours tout faire les doigts dans le nez.
Parce que la transgression est votre ligne de conduite.
Parce que vous fabriquez vos propres règles.
Parce que les Américains en utilisent de plus longues.
Parce que les Italiens des Dolomites ne nous ont pas attendus.
Parce que vous essayez des voies beaucoup plus dures que votre niveau maxi.
Parce que vous fréquentez souvent des sites où vous n'avez jamais mis les pieds.
Parce que vous grimpez parfois sans topo.
Parce que vous avez déjà eu affaire à des équipements pervers.
Parce que vous n'avez pas mangé assez de soupe quand vous étiez petit.
Parce que la bonne taille, c'est quand le mousqueton atteint le trou de la plaquette.
Parce que vos chaussons sont usés.
Parce que vous avez la flemme.
Parce qu'on ne peut pas tous les jours être un héros.
Parce que poser la moule pour les autres finit par être fatigant.
Parce que vous avez lu Livanos.
Parce que vous n'avez pas que ça à faire.
Parce que la dégaine Panic (Kong) reste bien courte.
Parce que Expé ne vend plus sa perche à enroulement Azluck.
Parce que ça ressemble à l'arc de votre ancienne panoplie d'indien.
Parce qu'en bandoulière sur votre torse nu, sec et hâlé , ça en jette.
Parce que vous ne pourrez plus vous en passer.
Parce que vous envisagez de grimper au moins jusqu'à l'âge de 95 ans.

Vous aussi allez pouvoir vous confectionner cette petite perche à mousquetonner à distance.

Voici comment:

Acheter un tube d'électricien en plastique (PVC) blanc d'un diamètre extérieur de 12mm.

En découper une longueur de 80cm.

A une extrémité, découper une gorge de 7cm de longueur et de la largeur d'un mousqueton.

Choisir un vieux mousqueton plus très fiable et faire sauter le doigt en vous en prenant à la charnière.

Introduire le mousqueton dans la gorge (ramollir le plastique légèrement à la flamme pour plus de facilité.) et le scotcher avec un gros ruban adhésif extrafort en faisant plusieurs tours.

Introduire une longue sangle étroite dans la partie basse du mousqueton et la scotcher au tube en plastique juste sous le mousqueton pour éviter qu'elle sorte de ce dernier.

Percer un trou très fin à 10cm du bas du tube pour y introduire une cordelette de 2 ou 3mm de diamètre qu'on va nouer autour de la sangle (nœud de pêcheur simple ou nœud de sangle).

C'est terminé.

Détail du mousqueton

Détail de la fixation inférieure de la sangle

Mode d'emploi de la perche de mousquetonnage:

Il existe deux façons de transporter votre formidable perche à mousquetonner à distance:

1/ La méthode honteuse:

     Dans cette configuration, on dissimule la perche dans le sac à dos jusqu'au pied de la paroi. Cela évite d'affronter les sarcasmes de la file d'attente du téléphérique de l'aiguille du Midi. Mais il va falloir couper le manche à la hauteur du sac à dos si on désire l'incognito parfait, ce qui va réduire l'allonge.

2/ La méthode fière comme Artaban:

     Ici on passe un bras dans la sangle et on porte l'engin en bandoulière. On peut forcer le panache en choisissant une couleur vive pour le ruban adhésif fixant le mousqueton et la sangle. A la campagne en ce mois de décembre, le jaune est bien entendu la couleur la plus porteuse, peut-être encore jusqu'à l'été prochain?

L'emploi dans la longueur nécessite ce port en bandoulière. On mousquetonne à distance soit depuis le dernier point d'assurage atteint, soit pendant l'escalade entre deux points. Dans le premier cas, on se vache court avec une dégaine, on mousquetonne un étrier en sangle sur le mousqueton du haut de la dégaine d'assurage et on monte sur l'étrier (voir page 142 du manuel Alpinisme sans guide). Dans le second cas, on se tient de la main gauche à une prise si on a passé la perche en bandoulière sur l'épaule gauche, c'est à dire sous l'aisselle droite. D'une main, on sort la perche par dessus la tête et on mousquetonne le point suivant. On se dévache du point inférieur (dans le premier cas) et on tire sur la sangle et non sur le tube en plastique. Arrivé suffisamment prêt pour clipper on mousquetonne une dégaine dans le point, puis la corde. On comprend l'intérêt d'avoir choisi un mousqueton relativement fin pour la perche car deux mousquetons devront momentanément pouvoir entrer dans la plaquette ou le piton.
Il ne faut pas hésiter à désépaissir le "nez" du mousqueton désigné par la flèche sur la photographie suivante, davantage du reste que le modèle présenté ici. Cette modification facilitera le mousquetonnage, notamment pour ces goujons dont la tige filetée sort plus que d'ordinaire et constitue un obstacle agaçant à notre petite tricherie.

Pour conclure, il m'est impossible de résister à la citation du sophrologue Bernard Jeanroy qui aurait toute sa place à la page 263 de notre manuel: "La sophrologie, c'est entrer en amitié avec soi."