Le froid engourdissant les doigts, le gel intense faisant coller le métal, les gants épais... on ne manque jamais de prétexte pour laisser échapper sa plaquette d'assurage. Alors on va, pour cette fois, pouvoir vanter sa ringardise tenant à emporter couramment un ou deux pitons en "fond de sac". De quoi ne plus voir ces outils simples, inventés en 1911 dans les Alpes Orientales par le guide Hans Fiechtl, comme des instruments définitivement obsolètes, car en plus d'avoir permis l'émancipation historique des führerlos (sans guides), d'être parfois la seule manière de fabriquer un relais solide - de progression ou de rappel -, le piton permet d'améliorer l'ordinaire de la fameuse technique du "frein-mousqueton" à l'origine de toutes les plaquettes autobloquantes depuis la plaquette New Alp conçue en 1990 par Jean-Paul Fréchin (guide et ingénieur diplômé des Arts et Métiers). Un brin, deux brins, piton universel ou piton "horizontal", tout fonctionne! On veillera simplement à enfiler l'œil du piton du côté opposé au doigt du mousqueton pour éviter de trop le solliciter en torsion.
Pour gérer les deux brins séparément - deux seconds ou hissage d'un sac -, on pourra choisir cette technique du "piton-mousqueton" sur le premier brin, et un nœud de cœur sur le deuxième brin, ce qui permet de bénéficier de deux dispositifs autobloquants indépendants.
A tester sans faute sur votre couenne habituelle avant une utilisation in vivo sur l'Alpe homicide.
Technique illustrée dans L'Alpinisme, La technique et le milieu, L'histoire et les hommes, de Massimo Cappon, Editions Fernand Nathan, 1983.
Le Bonus:
Puisque vous êtes toujours là, une minuscule astuce pour éviter le burn-out la prochaine fois que, pendu au bout de votre rappel dans cette paroi à la raideur abominable, vous vous agiterez en tous sens pour saisir le relais hors de portée de votre plus long bras, pourtant à un mètre ou deux seulement de votre meilleure gesticulation.
Pas de problème pour l'ancien adepte de portique de jardin que vous êtes... Un ou deux balancements et vous rejoignez la paroi en cinq sec. Las! Vous avez beau vous agiter en tous sens, vous ne réussissez qu'à tourner autour du pontet de votre baudrier. Pas la plus petite amorce de pendule et ça commence à être passablement énervant. Avez-vous à ce point perdu la main depuis le temps où, gamin, vous réalisiez les exploits les plus improbables - parfois hospitaliers... - sur la balançoire familiale? Rassurez-vous, il y a un truc.
Pendu à l'endroit exact de votre centre de gravité, il est impossible d'amorcer le moindre balancement. Alors, souvenez-vous: La manière la plus facile de démarrer sans élan à la balançoire n'était pas en position assise mais en position debout. Car dans cette position, il était très facile de décaler largement le centre de gravité du corps de la ligne de pendaison et de lancer un bon coup de rein. Alors, la solution est simple. Vous nouez un prusik au-dessus de vous, autour de la corde, vous y mousquetonnez une pédale, et vous vous mettez debout sur cette pédale en vous tenant à la corde à deux mains. Vous allez alors pouvoir décentrer votre centre de gravité et le balancement sera amorcé immédiatement sans effort. Finalement le burn-out sera pour un autre jour...
Plus d'astuces dans l'excellent Escalade en terrain d'aventure de Sylvain Conche, 2004, éditions Amphora.