Reportage à La Bérarde (2e partie) 204

 Plan des parties 1 et 2:

1. PRELIMINAIRES (RAPPELS HISTORIQUES)

2. LES EVENEMENTS DES jeudi 20, vendre 21 et samedi 22 juin 2024

3. L'EXPLICATION DU PHENOMENE PAR LE RTM

4. DE LA FAUSSE SCIENCE AU DROIT TORTURE, IL N'Y A QU'UN PAS

5. REPORTAGE DU 7 OCTOBRE 2025

    LA ROUTE

    LE LAC IMAGINAIRE

⬆️ 1ère partie (article n°203)

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⬇️ 2e partie 

    LE HAMEAU DE LA BERARDE

Hameau de La Bérarde juin 2019


1. RAPPELS HISTORIQUES

10 septembre 1753 : La Bérarde est presque totalement détruite par un incendie, ce qui ne l'empêche pas de revivre.

1828 : Parution de Passes of the Alps de William Brockedon qui explora le massif des Ecrins.

août 1830 : Ascension du 2e sommet du Pelvoux par le capitaine Durand, dans un but topographique militaire. Ses relevés de 1828, 1829 et 1830 donneront les minutes de la 1ère carte d'Etat-Major du massif (éditée pour sa version grand public en 1866), remplaçant la vieille carte de Bourcet de 1758, et restera en usage jusqu'à la carte plus lisible de 1874 du capitaine Ferdinand Prudent (cf. fin de notre article n°182).

1832 : Le Congrès américain fonde The Hot Springs Reservation dans l'Arkansas, première réserve naturelle.

1839 et 1841 : James Forbes visite La Bérarde, franchit le col du Says.

1849 : Ascension du 1er sommet du Pelvoux par l'astronome Victor Puiseux dans un but scientifique.

1858 : Fondation de l'Alpine Club.

1859 : Parution à Londres du premier topo d'alpinisme de l'histoire: Peaks, Passes and Glaciers par John Ball, premier président de l'Alpine Club.

1860 à 1863 : Excursions de John Ball, T.J. Bonney, F.F. Tuckett.

1862 : Une carte esquisse du massif du Pelvoux est publiée dans la 2e édition de « Peaks, Passes and Glaciers » avec des vues de la vallée de la Bérarde et des montagnes de Saint-Christophe.

Juin 1864 : Edward Whymper, avec Moore et Walker, franchit la brèche de la Meije, le col de la Pilatte, et atteint le sommet de la Barre des Ecrins.

1865 : T.J. Bonney publie « Outline Sketches in the High Alps of Dauphiné » avec une nouvelle carte du massif.

1870 : W.A.B. Coolidge écume le massif pendant plus de vingt ans. Il ressort de ces premières années du tourisme dans le Dauphiné que ce sont les alpinistes britanniques qui ont d'abord fait connaître l'Oisans aux excursionnistes.

1872 : Encore aucun guide en Oisans ne montre de compétences pour la haute-montagne avec une méconnaissance parfaite des glaciers.

1872 : Le Congrès américain déclare la région du Yellowstone « Parc national ».

1874 : fondation du CAF.

1875 : fondation de la STD (société des touristes du Dauphiné) qui construit son 1er refuge aux Sept-Laux et entreprend aussitôt de former des corps de guides, d'abord à Allemont, Revel, Uriage.

1876 : La STD a formé un corps de guides à Saint-Christophe en Oisans ainsi qu'à La Bérarde. Ils recevront bientôt un livret de notations par les clients, seront assujettis à des tarifs fixes, à des stages pour les aspirants. Certains guides acquièrent une réputation, comme Pierre Gaspard.

Août 1877 : 1ère ascension de la Meije. Lire le récit de Boileau de Castelnau lui-même à notre article n°67.

1879 : F. Gardiner salue le progrès accompli depuis 1873 dans le confort et l'honnêteté de hôtellerie dauphinoise de piètre réputation grâce notamment à l'action du CAF et de la STD qui favorisent le tourisme par leur publicité. Henry Duhamel (lire notre biographie détaillée à l'article n°70) introduit le ski sportif en Dauphiné et publie sa première carte du massif du Pelvoux dont l'originalité inédite est l'exactitude.

1880 : Le massif du Pelvoux compte 100 guides et porteurs-aspirants. La section de l'Isère du CAF ouvre le sentier de la Tête de la Maye.

1882 : Le CAF et la STD obtiennent des pouvoirs publics la construction d'une route carrossable de Bourg d'Oisans à Saint-Christophe en Oisans.

1887 : La STD ouvre le chalet-hôtel de La Bérarde. On compte 14 traversées de la brèche de la Meije et 7 ascensions de la Barre des Ecrins cette année-là. Il ressort de ces années que ce sont les alpinistes amateurs à travers les sociétés alpines qui ont été le moteur du développement du tourisme, de l'alpinisme et de la création des guides de haute-montagne en Oisans.

1890 : L'engouement pour l'alpinisme connaît un net ralentissement. La haute-montagne a perdu son statut de nouveauté ; la mode est à la bicyclette et à l'automobile. Le tourisme remplace l'alpinisme.

1895 : Une ligne télégraphique relie Saint-Christophe au Bourg d'Oisans.

1896 : Duhamel fonde à Grenoble le Ski-Club des Alpes, ce qui poussera les Chasseurs Alpins a adopter ce nouveau moyen de locomotion hivernal.

1897 : Le CAF a construit six refuges en Oisans.

Juillet 1901 : La ligne télégraphique est prolongée jusque La Bérarde.

1902 : Les stations climatériques de l'Oisans sont vantées par Duhamel.

1903-1904 : Le Ministère de la Guerre fonde à Briançon l'Ecole Normale de Ski.

1913 : Le premier Congrès forestier international à Paris (sur une initiative malheureuse du Touring Club de France) valide l'idée de parcs nationaux et fonde l'association des parcs nationaux de France. Ce qu'on appelle déjà dans la presse le parc de la Bérarde a vocation à devenir premier parc national français.

1921 : Séduite par les possibilités réglementaires qu'offre l'alibi naturaliste de la création des parcs nationaux américains, la France se saisit de la méthode pour ses colonies : Le gouverneur général de l'Algérie signe un arrêté définissant le statut administratif des parcs nationaux. Sont d'abord créés des parcs en Algérie (Les Cèdres), en Tunisie (réserve de Djebel Ischkeul), au Maroc. Onze vont suivre, notamment Madagascar en 1926, Congo Brazzaville en 1935, Centrafrique en 1936. Le parc national est donc historiquement et d'emblée pensé comme un moyen de contrôle colonial sur une population locale.

1923 : Le parc de la Bérarde se fait appeler le parc national du Pelvoux sur une initiative d'Alphonse Mathey-Dupraz, conservateur des Eaux et Forêts, sans existence d'une base juridique réelle.

1932 : Le Mont-de-Lans et Vénosc commencent à s'organiser pour la pratique du ski.

1936 : Le Front Populaire établit les congés payés et crée un Ministère des loisirs.

1939 : Jules Carrel, jeune moniteur de ski de La Bérarde va devenir maire de Saint-Christophe pendant 40 années. Fort du prestige de son célèbre grand-père du Val Tournanche, le légendaire Jean-Antoine Carrel concurrent de Whymper au Cervin (et mort debout dans la tourmente après avoir sauvé ses clients in extremis dans une ultime ascension), il va user de son influence pour développer la station de ski des Deux-Alpes. Il avait suivi l'exode vers l'Oisans de son ami chamoniard Auguste Tairraz.

1951 : Le parc de Snowdonia est fondé au pays de Galles, premier parc national du Royaume-Uni. Il est immédiatement suivi du parc du Peak District et du parc du Lake District.

1960 : La loi du 22 juillet 1960 donne un statut juridique aux parcs nationaux français, qui va tenir jusqu'en 2006.

1963 : Le Parc national de la Vanoise est fondé.

1967 : Le Parc national des Pyrénées est fondé.

1970 : Le Parc national des Cévennes est fondé.

1973 : Le parc national du Pelvoux devient le Parc national des Ecrins.

1974 : Le hameau de La Bérarde est classé réserve naturelle.

1979 : Le Parc national du Mercantour est fondé.

1982 : Le maire Pierre Faure (guide, maire jusqu'en 1995, décédé en 2007) reçoit le ministre de l'environnement Michel Crépeau et lui explique l'incompatibilité de la vie à Saint-Christophe (comptant alors 230 habitants) avec les exigences réglementaires du Parc national des Ecrins. Crépeau convient : « L'espèce la plus menacée en montagne, c'est l'homme. »

1989 : Le Parc national de la Guadeloupe est fondé, l'objectif colonial de contrôle des populations n'ayant jamais été perdu de vue.

1991 : Pierre Chapoutot écrit dans le bulletin du Club Alpin d'Alberville cette phrase de mépris qu'il reprendra dans son recueil La montagne c'est pointu paru en1996 : « Parcs, je finirai par vous haïr. »

1995 : Création de la Réserve du Lauvitel, première réserve française dite intégrale, c'est-à-dire qui interdit totalement à l'homme l'accès à la nature, aboutissement du projet totalitaire déguisé en protection de la nature.

avril 2004 : Le maire Xavier Charpe (divers gauche, licencié en théologie, maire de 1995 à 2004) démissionne après avoir tenté de lancer des travaux de 3 millions d'€ pour convaincre ses opposants (place du village avec bac, maison de la montagne, grand parking aménagé). Serge Topridès (moniteur de ski et accompagnateur en moyenne montagne, restaurateur, né en 1951, décédé en novembre 2020) lui succède. Le ramdam est présenté comme une rupture, un renversement de pouvoir en hostilité affichée aux obligations réglementaires étouffantes du Parc national des Ecrins.

20 avril 2004 : L'association Les amis de la Bérarde et du Haut Vénéon est fondée par quelques habitants de Saint-Christophe. Elle échoue en mai à obtenir le déclassement de la réserve de la Bérarde créée par le décret du 15 mai 1975 en tant que zone contiguë de protection du parc national., la motivation affichée de cette première tentative étant la nécessité de rénover les habitations, notamment les toits de tôles rouillées, de La Bérarde.

2004 : L'ordonnance n°2004-632 du 1er juillet 2004 renforce le statut juridique des associations foncières pastorales (AFP) créé en 1972 par la loi pastorale (loi n°72-12 du 3 janvier 1972) considérées comme associations syndicales de propriétaires, dans le but de favoriser la location aux éleveurs des alpages par les propriétaires en regroupant ces derniers de telle façon que le morcellement des parcelles ne conduise pas à la nécessité de signer des baux multiples.

2004 : L'Association foncière pastorale de Saint-Christophe est fondée, au prétexte d'ouvrir les paysages qui se refermeraient en l'absence de troupeaux afin de favoriser le tourisme (sic) et de faire reculer l'enfrichement et le boisement prétendument dangereux pour les habitations (sic). Les mouches pullulent d'abord à La Bérarde (objet de notre article n°81), les abords du refuge du Soreiller deviennent ensuite rapidement insalubres car couverts de déjections (cf. notre article n°121), rivalisant avec l'inénarrable lac des Bèches (cf. notre article n°187), consternant chaque été les amoureux des bivouacs, puis les chiens méchants vont se multiplier comme ailleurs (panneaux signalant des patous vers la Toura en 2025 depuis l'installation de la cabane de berger).

2005 : La loi n°2005-157 du 23 février 2005 sur le développement des territoires ruraux (loi dite DTR), par un complément à l'article L211-23 du Code rural, exclut toute poursuite pénale pour divagation d'un chien de protection de troupeau. Ce sera le coup d'envoi de la guerre sans merci (cf. notre célèbre article n°34) livrée par proxys au randonneur en déployant sur le terrain des phalanges de chiens dangereux présentés comme des salariés modèles sensés ne pas savoir distinguer un homme d'un loup...

2006 : La loi du 14 avril 2006 modernise le statut juridique des parcs nationaux datant de 1960. Il permet de créer des parcs naturels marins (lesquels vont rapidement se multiplier) et d'étendre la notion de parc national à des zones habitées et introduit la nécessité d'une Charte dans l'idée d'obtenir par de faux compromis l'acceptation sociale des projets liberticides par les populations locales. L'heure est à la manipulation lénifiante, jugée plus efficace que la force brute. On prévoit de fonder par cette méthode bien d'autres parcs liberticides. Ainsi seront fondés : le Parc national de la Réunion en 2007, le Parc amazonien de Guyane en 2007, le Parc national des Calanques en 2012 dont la grave innovation n'est pas tant qu'il soit terrestre et marin mais qu'il se félicite d'être péri-urbain, c'est-à-dire qu'il vient au contact des habitations d'une population nombreuse), le Parc national de forêts en Champagne-Bourgogne en 2019.

2007 : Le Parc national de La Réunion est fondé. Il sera inscrit en 2010 au patrimoine mondial de l'UNESCO, préfiguration de la gouvernance mondiale du projet globaliste totalitaire.

21 juin 2011: Les habitants de La Bérarde obtiennent un déclassement partiel de la réserve de la Bérarde qui passe de 90 à 61,52 hectares, par le décret  n°2011-706 du 21 juin 2011.

mai 2012: L'Initiative Mondiale pour le Pastoralisme Durable, portée par l'UICN (Union Internationale pour la Conservation de la Nature) depuis 2005 dans le but d'institutionnaliser le pastoralisme au niveau mondial, publie ses directives mondiales de Bonnes Pratiques (sic, avec majuscules!), montrant que les décisions du conseil municipal d'un village de 98 habitants (population de Saint-Christophe en 2022) sont en réalité sous l'étroite influence - pour ne pas dire la soumission - d'une gouvernance mondiale.

13 juin 2012 : Un arrêté préfectoral crée le périmètre de protection de la réserve naturelle du Haut-Vénéon, contrepartie du marché de dupe qu'a été le déclassement partiel de l'année précédente. Les manipulateurs, assez fiers, parlent de la fabrique de l'acceptation sociale dans les parcs nationaux alpins français. L'arrêté, aujourd'hui subrepticement escamoté d'internet, prévoyait qu'il était interdit, au prétexte de la préservation du Trèfle des rochers (sic - Triflium saxatile dit-on en latin afin de lui donner l'importance totalitaire qu'il mérite...) de procéder, sans autorisation préfectorale et après avis du Conseil scientifique du Parc national des Ecrins, aux "travaux susceptibles de modifier les berges ou le lit des torrents des Etançons et du Vénéon, avec notamment la mise en place de remblais" (sic), paroles lourdes de sens après juin 2024 qui engagent forcément la responsabilité de l'Etat.

Réserve naturelle du Haut-Vénéon
La création du Parc national devait exclure théoriquement les zones habitées mais cherchait à les englober dans la contrainte en créant une réserve naturelle sensée "protéger" le parc naturel. Puis on inventa le périmètre de protection pour protéger cette protection du Parc national. Vous suivez?...

Le lien pour télécharger l'arrêté est inactif sur le site du parc national. Et l'année du décret est fausse, il faut lire 2011.

28 décembre 2012: Le décret n°2012-1540 approuve la Charte du Parc national des Ecrins. On y lit notamment page 68 le paragraphe: "Mesure 2.3.2. Impulser des solutions alternatives à la mobilité automobile individuelle" qu'il faut comprendre comme: "Trouver l'alibi d'un lac supra-glaciaire imaginaire pour interdire l'accès de La Bérarde aux automobiles individuelles." Ceux qui se sont précipités vers les dispendieuses voitures électriques dépourvues d'autonomie seront refroidis en constatant qu'aucun passe-droit n'est prévu pour leur fameuse Tesla. Pas d'erreur, c'est bien la liberté fondamentale d'aller et venir qui est visée, pas le pot d'échappement. Le jargon habituel des totalitaires (éco-responsabilité, territoire durable, énergies renouvelables, etc.) y est bien sûr abondant. Le mode opératoire d'intimidation des visiteurs par les chiens qu'est le nouveau pastoralisme sous perfusion d'argent du contribuable fait l'ojet de l'orientation 3.6.: "Soutenir la gestion globale des alpages".

2014: L'UICN publie Pastoralisme et économie verte - un lien naturel? programme des Nations Unies pour nos montagnes et 
celles de toute la planète, à grand renfort de propagande climatique.

2014 : Patrick Holleville (sans étiquette, agriculteur retraité) devient mair
e dans la continuité du précédent.

2020 : Jean-Louis Arthaud (sans étiquette, chef de triage à l'ONF retraité) devient maire dans la continuité du précédent.

Automne 2023 : Projet d'un 12e parc national dédié aux zones humides d'ici 2030.

2024 : Les événements météorologiques du mois de juin servent de prétexte à une confiscation durable de La Bérarde sans visibilité aucune pour le retour de l'accès libre au hameau situé au cœur du plus grand massif français de haute-montagne.

2025 : La loi n°2025-268 du 24 mars 2025 (d'orientation pour la souveraineté alimentaire et le renouvellement des générations en agriculture) vietnamise l'impunité des morsures par les chiens dangereux en modifiant l'article L222-19-2 du Code pénal, disant explicitement que l'absence de maladresse, d'imprudence, d'inattention, de négligence ou de manquement à une obligation de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement est présumée, dès lors que le chien est, au moment des faits, en action de protection d'un troupeau. Sur le terrain, ces chiens sont déployés plus que jamais dans les endroits les plus improbables habituels aux promenades faciles en famille (col de l'Arc, col Vert, Chamechaude, Moucherotte, alentours du refuge de Vallonpierre, miroir des Fétoules, etc.).


9 avril 2025: Est déposé à l'Assemblée nationale un rapport d'information sur le pastoralisme de 141 pages qui se plaint de son déclin alors qu'il est en pleine expansion, et qui conclut en réclamant davantage de subventions à ce secteur. Or, l'étude de Marc Laffont et Baudouin de Menten donne des chiffres extraordinaires montrant que nous avons clairement affaire à un crony capitalism (capitalisme de connivence) ne créant aucune richesse mais accaparant les recettes fiscales. En 2006, chaque exploitation ovine reçoit en moyenne 27700 € de subventions pour les exploitations laitières et 34900 € pour les exploitations de viande. D'autres chiffres donnent pour 2003 un montant de subventions égal à 164% du résultat des exploitations de montagne! montrant clairement qu'elles n'ont aucune rentabilité. Le montant total des aides pour la filière ovine est aussi (en 2003) estimé à 630 millions d'€ chaque année, à l'intérieur de laquelle il serait vain et trompeur d'isoler la filière ovine de montagne (275 millions d'€) puisque les bêtes conduites l'été sur les alpages par camions sont basées en plaine le reste de l'année (les moutons de Chamechaude sont par exemple amenés de la Drôme et de Saint-Hilaire de la Côte proche de La Côte Saint-André dans le nord Isère). Quant à l'argument de l'entretien de la montagne, il est démenti par la plus élémentaire réflexion (lire à ce sujet l'article de Pierre Rigaux Le pastoralisme est-il bon pour la montagne?) : transformation des prairies alpines en zones insalubres où les déjections remplacent l'herbe faisant fuir la faune sauvage qui se retrouve en concurrence alimentaire défavorable avec les troupeaux, vecteurs de maladies infectieuses (brucellose notamment), agression quotidienne de la faune sauvage (marmottes et chamois) par les chiens de protection, argument du défrichage fallacieux puisque c'est l'altitude qui donne naturellement l'absence de forêt dense et l'herbe courte des prairies alpines et non le broutage par les troupeaux. C'est par ailleurs, afin d'alimenter le narratif de la nécessité de déployer des chiens de plus en plus dangereux (berger d'Anatolie dit Kangal), la porte ouverte à la réintroduction de la chasse au loup, nuisant une nouvelle fois à la faune sauvage en accusant cette fois le loup, animal intelligent aux connaissances cynégétiques reconnues, de perpétrer d'imaginaires carnages qui seraient à son détriment et au mépris des connaissances éthologiques les plus basiques. Le nouveau pastoralisme apparaît somme toute comme une quadruple imposture: écologique, économique, sécuritaire et totalitaire, puisqu'il réussit ce tour de force d'être à la fois destructeur de la montagne (faune et flore), accapareur de richesse, dangereux pour les randonneurs, et source de réglementation contraignante, contrôlant la vie des populations et réprimant de fait la liberté fondamentale d'aller et venir. Il est aujourd'hui un outil néocolonial en Afrique comme les premiers parcs nationaux français étaient des outils coloniaux. La soumission des populations locales n'est complète que quand on obtient leur consentement à leur propre asservissement, d'où le nouveau paradigme d'avril 2006. C'est bien avec cette grille de lecture qu'il faut appréhender le fait divers qui nous intéresse aujourd'hui avec la destruction partielle du hameau de La Bérarde et ses conséquences sur nos libertés. En ouvrant largement l'angle de son appareil photo! Car, à rebours du poncif éculé, quand le manipulateur montre la lune - ici le lac supra-glaciaire imaginaire, c'est l'imbécile qui regarde la lune. Le sage, lui, regarde le doigt!


2. L'ARRETE MUNICIPAL  RESPONSABLE DE L'INERTIE

La question de l'arrêté municipal liberticide interdisant non seulement l'habitation mais aussi la simple pénétration dans le hameau de la Bérarde aurait pu trouver une légalité dans l'urgence immédiate après les événements pour empêcher par exemple le pillage des habitations. Ainsi, on empêchait temporairement la liberté fondamentale d'aller-et-venir pour en défendre une autre: le droit de propriété.

        La mesure était alors:
  • adaptée, puisque les maisons étaient béantes à la merci de tous;
  • nécessaire, puisqu'il n'était guère possible de rétablir immédiatement les clôtures;
  • proportionnée, car une date aurait été fixée laissant un délai aux habitants pour protéger ou retirer leurs biens.
Extrait de l'arrêté municipal

Mais ce n'est pas ainsi qu'on a procédé, pensant sans doute qu'on pouvait bafouer durablement deux libertés fondamentales, celle d'aller-et-venir et le droit de propriété, pour un prétexte sécuritaire. Les travaux nécessaires à la stabilisation sommaire du sol ont aujourd'hui été réalisés, il n'est donc nullement dangereux de se promener dans le hameau, de sorte que cet arrêté ne résiste pas à la triple vérification: il n'est ni adapté, ni nécessaire, ni proportionné! Certains talus composés d'un terrain morainique parfaitement connu des montagnards pourraient justifier un panneau d'avertissement du genre: "AVIS AUX VISITEURS: ATTENTION AU TERRAIN POUVANT ETRE ENCORE INSTABLE A CERTAINS ENDROITS, SURTOUT SI VOUS VOUS ECARTEZ DES PISTES. ATTENTION EGALEMENT AU RISQUE D'EFFONDREMENT DES MAISONS ENDOMMAGEES. LE HAMEAU DOIT ETRE CONSIDERE COMME UN LIEU DE MONTAGNE NON SECURISE QUI RECLAME LA VIGILANCE PROPRE AUX ESPACES NATURELS SAUVAGES."

Cette simple information, forçant volontairement le trait sur le risque réel à courir, placée sur le terrain par deux ou trois panneaux de grandes dimensions immanquables, suffirait pour répondre à la diligence requise d'un détenteur de l'autorité administrative, particulièrement depuis le triple arsenal que constituent la loi Fauchon, l'article L365-1 du Code de l'environnement et l'article L311-1-1 du Code du sport (cf. page 242 de notre manuel). Le maire de Saint-Christophe en Oisans n'a donc rien à craindre à respecter le droit et les libertés fondamentales de ses concitoyens puisque son devoir de "signaler les dangers outrepassant les risques habituels contre lesquels les citoyens doivent eux-mêmes se prémunir" serait dûment rempli.
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Extrait de l'arrêté municipal

Par ailleurs, l'interdiction faite aux propriétaires de retourner dans leurs propriétés, même quand celles-ci n'ont pas été, ou modérément, endommagées, et ont peu de risque d'être inondées de nouveau (voir les codes-couleurs des bâtiments ci-dessus), est évidemment également abusive, l'absence des réseaux d'eau, d'électricité ou d'assainissement, étant un argument ne pouvant prospérer puisque eau et électricité ne sont pas indispensables à l'usage d'une villégiature sommaire de montagne (qui parfois s'apparente au camping en cabane sur son propre terrain), et que le rétablissement d'un réseau d'assainissement élémentaire ou un substitut (toilettes sèches) fait partie de l'urgence requise d'un détenteur de l'autorité administrative connue de tous les humanitaires après une catastrophe naturelle: nemo auditur propriam turpitudinem allegans dit la doctrine (nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude). La mairie de Saint-Christophe en Oisans doit donc équiper dès maintenant et sans tarder davantage le hameau de La Bérarde de toilettes sèches ou de tout autre système d'assainissement provisoire d'urgence. Il n'y a alors plus aucune difficulté pour le retour des propriétaires afin qu'ils puissent procéder aux constatations des sinistres par l'expert de leur compagnie d'assurance.
Tout se passe en effet comme si l'enlisement liberticide actuel servait à obtenir le découragement des propriétaires pour obtenir in fine leur expropriation ou le rachat de leurs parcelles à vil prix. La mairie de Saint-Christophe en Oisans doit donc prendre ses dispositions pour qu'une telle interprétation soit démentie par les actes, et non par de simples paroles lénifiantes. La question des permis de reconstruire viendra plus tard, en sachant que la source de richesse d'une économie est toujours la liberté et la somme des initiatives individuelles et non un crony capitalism (capitalisme de connivence) qui ne conduit nullement à la prospérité de tous mais à l'accaparement de quelques uns. Il faut ici rappeler que la station Villard 2000 sise à Villard de Lans, modelée à grands renforts de dynamite dans les années cinquante comme en étaient très fiers ses anciens propriétaires les frères Huillier vient d'être rachetée par le milliardaire basketteur professionnel américain Tony Parker, pour montrer qu'il est possible, en France, de quasiment acquérir des montagnes! Il faut rappeler aussi que les autoroutes françaises restent exploitées par les sociétés qui en ont obtenu la concession alors que les investissements de départ sont amortis depuis de nombreuses années.
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Si l'arrêté municipal ne franchit même pas la première des trois exigences successives de la triple vérification (non adapté - voir la 1ère partie, notre article n°203) pour l'interdiction de pénétration dans le hameau et l'interdiction du retour des propriétaires dans les maisons non ou peu endommagées, il ne franchit pas non plus à l'évidence la deuxième exigence (non nécessaire) en interdisant le retour des propriétaires dans les maisons ayant subi des dommages importants puisqu'il devient pour eux impossible dans ces conditions de commencer les démarches pour entreprendre les réparations. Non nécessaire signifie en droit qu'il existe d'autres moyens d'arriver au même objectif affiché (la sécurité des visiteurs) moins attentatoires aux libertés. Il suffit en l'occurrence d'avertir personnellement chaque propriétaire d'un bâtiment dans un tel état de dommages importants des risques réels et concrets, afin que sa conduite soit dûment éclairée. En médecine, on parle de "consentement préalable libre et éclairé du malade obtenue de façon loyale", ce mot de consentement pouvant en la matière, (à la grande différence de ce que nous avons dit plus haut) être un non consentement aux soins. L'arrêté municipal en l'état rend la situation bloquée pour ces propriétaires dont on bafoue le droit fondamental de propriété.

Par surcroît, l'arrêté, en ne fixant aucune date limite pour un certain nombre d'articles mais se permettant de dire "jusqu'à la mainlevée de cet arrêté" (sic) ignore superbement la troisième exigence (non proportionné) et apparaît comme un abus de pouvoir manifeste et, pour tout dire, un trouble illicite. Il est alors nécessaire que le maire de Saint-Christophe en Oisans prenne conscience qu'il n'est plus garde forestier faisant appliquer un règlement à des employés bûcherons mais élu d'une collectivité territoriale dont le cœur de mission est donné explicitement par l'article II de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789: "Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l'homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté, et la résistance à l'oppression." Sans doute abusé par une déformation professionnelle bien compréhensible, il doit maintenant rendre leurs libertés à ses concitoyens et laisser la vie reprendre son cours.
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3. REPORTAGE SUITE
"Il n'y a point de contravention en cas de force majeure." Article 121-3 du Code pénal. Défendre les libertés fondamentales de ses compatriotes en est un, de cas de force majeure. C'est même le plus légitime qui soit!

La place centrale avec son bac et déjà une nouvelle table; le snack-bar L'Escalade avec sa terrasse surélevée et ombragée, à gauche

Le poste de secours à droite, le chalet du CAF au fond à gauche, 

La Maison de la Montagne, des WC provisoires (à multiplier...)

Le restaurant Le Fourney

Le restaurant Le Fourney, autre vue

L'Auberge de la Meije

Désormais, il y a La Bérarde-rive gauche et La Bérarde-rive droite, comme à Paris...

Un très beau cours d'eau à pérenniser avec les grandes dalles de granit du massif et pour l'avenir un pont à la belle rembarde rustique de fer forgé pour amateur d'ouvrage d'art...

Comme on peut le voir, une bonne partie du hameau reste debout et n'attend que le retour des libertés pour la mise en branle des initiatives individuelles. La Bérarde, construite comme de nombreux hameaux montagnards avec impudence sur le cône de déjection du torrent des Etançons, en verra d'autres. Son histoire est loin d'être terminée à la condition de savoir repousser les narratifs de peur visant à décourager habitants et visiteurs, comme après chaque catastrophe où les premiers personnages qui vous mettent une lourde main compatissante sur l'épaule ne sont le plus souvent que les envoyés des accapareurs. Grand sinistre égale toujours situation sordide: l'assureur qui sous-estime les dommages, la station richissime d'en face prête à saisir la proie affaiblie, l'association de défense promptement établie mais dont les objectifs réels ne sont pas toujours ceux affichés, et bien sûr l'ombre du grand retour des totalitaires, impatients de pouvoir enfin régenter un nouvel accès à la nature, d'abord à grands coups d'arrêtés inconstitutionnels, puis en promouvant un câble, propre à contrôler exactement les déplacements autant qu'à enrichir les comparses. Sans doute faudra-t-il quelques référés-libertés pour calmer les ardeurs et faire cesser l'inertie...
En définitive, pour peu que les décideurs publics respectent, comme c'est leur impérieux devoir, le droit de propriété et la liberté d'aller-et-venir de leurs concitoyens, pour peu qu'on cesse aussi de ficher l'argent des contribuables par la fenêtre dans la dispendieuse et inutile "transition énergétique" conçue pour spolier les Français et détruire leurs libertés, le nouveau torrent des Etançons au beau milieu de La Bérarde aura énormément de cachet rappelant certaines villes célèbres de Haute-Savoie, la luminosité en plus. Alors, comment disaient nos grands-mères, déjà? Les voies du Seigneur sont impénétrables...
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SOUVENIRS...

La chapelle de la Bérarde
Une très ancienne chapelle, non datée avec précision, et sa Vierge des glaciers et des voyageurs

Chapelle de La Bérarde

Saint-Amand, oui, mais...lequel?

chapelle de La Bérarde
Le culte de Sainte-Philomène fut lancé par le curé d'Ars (1786-1859) qui tentait ainsi de détourner la ferveur populaire de sa propre personne.

chapelle de La Bérarde
Des plaques qui rappelaient que la pratique de l'alpinisme est parfois mortelle mais que la prise de risque fait partie intégrante de la culture humaine et n'est donc pas un péché. On note celle honorant Jean Coste et son ami Charles Chavanet (voir notre article n°13 et la page 16 de notre manuel)


chapelle de La Bérarde
Et bien sûr la célèbre plaque commémorative extérieure du CAF pour le cinquantenaire de la première ascension de la Meije, mettant à l'honneur Castelnau (récit de l'ascension et biographie succincte à notre article n°67), Gaspard, Rodier et Duhamel (biographie plus fournie à notre article n°70).