Niveau d'escalade et alpinisme (+ randonnée aux Moucherolles) 201
La base de l'alpiniste est sans conteste sa gestuelle d'escalade. Mais il faut construire autour; on se souvient de la recette de René Vincent girl de l'article n°130. Cependant, il ne faudrait pas croire que le niveau maximal d'escalade serait le facteur limitant de la plupart des courses d'alpinisme envisagées. Car entre niveau maximal et compétence réelle de rochassier ou de glaciériste, il y a un monde.
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Emilio Comici (1901-1940) |
La vanité est à l'évidence l'égarement favorisé de notre époque. Ce fut en flattant celle-ci que les totalitaires imposèrent leur fausse science climatique au monde grimpant, propulsant le gardien de refuge en « sentinelle de la planète », faisant du guide tirant la corde dans un itinéraire cinquante fois parcouru un « sachant de la physique du climat ». On ne procéda pas autrement avec la fraude de la maladie imaginaire. Tandis que le médecin des rhumes et des angines soudainement « sauvait des vies », le malade atteignait à l'héroïsme par la promotion de sa bronchite banale en « survivant de la plus grande pandémie de l'histoire »...
Avec, certes, moins de dommages pour la sauvegarde de ses libertés, la vanité d'augmenter le plus rapidement possible son niveau maximal laissa derrière l'escaladeur d'immenses lacunes, sans doute raison centrale pour laquelle si peu de forts grimpeurs de salle d'escalade pratiquent aujourd'hui un alpinisme classique en autonomie.
Grimper sur rocher et sur glace, varier les terrains de jeu (calcaire, granite, gneiss, grès, conglomérat, mauvais rocher), poser les protections (sangles, coinceurs, pitons, broches), cultiver sa rusticité (bivouacs, mauvais temps), agrandir son bagage technique (remontée sur corde fixe, rappel par grand vent, hissage de sac, confection de corps mort) sont des indispensables mais ne concernent pas la gestuelle d'escalade proprement dite. C'est le « construire autour ». Quel est donc le réel facteur limitant de la gestuelle d'escalade s'il ne s'agit pas du niveau maximal atteint ?
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C'est en relisant Grande longueur en glace: gérer le nombre de broches de l'article n°158 qu'on va commencer à comprendre où l'on veut en venir. Car il n'illustre qu'une des très nombreuses circonstances où l'unique méthode pour assurer sa sécurité reste la méthode universelle de toute pratique montagnarde : On fait gaffe.
Cela signifie que la corde, parfois, ne sert à rien d'autre qu'à tomber à plusieurs. Cela signifie que, souvent, il est tout simplement interdit de tomber et qu'il n'y a pas moyen de faire autrement que de faire très attention à ne pas tomber. Voici le réel facteur limitant de la gestuelle d'escalade : pas le niveau maximal atteint mais la sûreté de cette gestuelle d'escalade. Et c'est cette sûreté qu'il faut développer avec application avant d'aller tenter de se perdre sur "l'alpe homicide"...
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Pour cela, l'escaladeur de salle pourrait commencer par tirer profit d'aller fréquenter ces sentiers de montagnes qui comportent de petits passages rocheux faciles, afin d'y constater l'aisance habituelle de simples randonneurs qui n'ont pourtant aucune expérience en escalade mais qui réussissent à franchir ces pas sans hésitation et sans aucun assurage. Dans le massif de la Chartreuse, les exemples ne manquent pas : Cheminée de Jusson à la Grande Sure, dernier passage (câbles) à Chamechaude, Grand Som par le col de Cucheron, etc. Comment font donc ces randonneurs débrouillards pour avoir le pied si sûr en...solo intégral ? Ne serait-ce pas cela la grosse lacune du grimpeur de 7a de salle d'escalade qui a augmenté son niveau maximal à la vitesse de la lumière pour épater ses camarades en dédaignant toute voie d'un niveau inférieur à 6a et en oubliant avec entêtement d'aller fréquenter le terrain naturel ?
Alors, quelques suggestions pour se préparer à l'alpinisme :
1/ La première est de voir cette vidéo de Hannah Morris et de suivre ses recommandations: Escalader beaucoup de voies faciles et les escalader bien, en soignant le placement du corps par le bas (les pieds) et non par le haut (les mains), même si cela paraît superflu tellement la voie est facile. "Privilégier la sensation à la cotation" nous dit la coach.
2/ Afin de compléter la recommandation précédente, grimper toutes les voies d'échauffement sur sa couenne habituelle en chaussures d'approche et non en chaussons, ce qui va obliger à placer avec précision les pieds et donner une grande sûreté naturelle en terrain facile. Choisir des chaussures avec une semelle dotée d'une climbing-zone et non des chaussures de trail, afin de pousser le jeu jusqu'aux 5c.
3/ Saisir toutes les occasions pendant diverses balades ou randonnées pour gravir et désescalader sans assurage ni matériel d'escalade divers petits passages rocheux qui font le quotidien des randonneurs.
4/ Eviter la culture du vol que certains préconisent pour libérer le niveau maximal d'escalade. Sûreté signifie aussi interdiction de tomber et cette interdiction doit rester viscérale afin que la chute ne soit pas considérée, après l'apprentissage d'un réflexe conditionné dénaturé, comme une issue possible à une impasse gestuelle.
5/ Grimper non assuré n'est pas une question de courage (trop de courage tue précocement) mais une question de sûreté d'escalade. La pratique ponctuelle du solo intégral (impossible à conseiller pour autrui) sur une couenne parfaitement connue et maîtrisée ne serait que la confirmation de cette sûreté et non le moyen de l'acquérir.
6/ Faire du bloc à la salle d'escalade où chaque tentative infructueuse se solde par une chute sur un tapis épais risque de banaliser la chute pour le corps et ne peut nullement s'assimiler à l'escalade sur rocher non assuré où la chute est interdite. Il est alors préférable, en préparation pour la montagne, de s'interrompre avant la chute et de s'obliger à désescalader.
7/ Grimper avec sûreté ne signifie pas qu'il faille bannir les mouvements dynamiques. La manière de grimper introduite par Kim Jain reste parfaitement adaptée au milieu naturel, avec ou sans assurage, l'alternance de phases statiques et de phases dynamiques permettant de tester les prises, gérer les repos et le stress, trouver les possibilités de protection, examiner l'itinéraire.
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Grimper avec sûreté en montagne, c'est en définitive, pour la plupart des pratiquants ordinaires, devenir un excellent grimpeur de niveau modeste et non être un grimpeur de haut niveau. C'est ainsi que l'on ose sortir enfin du gymnase pour accéder, en autonomie, à l'univers extraordinaire de la haute-montagne. Alors, cette longueur en IV: "De toute beauté?"
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BONUS:
Traversée des Moucherolles dans le massif du Vercors
(Toutes les images des blogs Blogger apparaissent en mode dégradé. Il faut chaque fois cliquer dessus pour obtenir leur définition normale.)
Accès routier: Depuis Grenoble, suivre l'autoroute vers le sud et prendre la dernière sortie gratuite pour Vif. Traverser Vif. A sa sortie, prendre Les Saillants-du-Gua, puis Prélenfrey. A l'entrée de Prélenfrey, laisser à gauche la route allant au Col de l'Arzelier et prendre à droite la route forestière jusqu'à son terminus, le parking des Bordeaux.
Le départ |
Quitter le chemin pour emprunter le sentier à droite |
Le sentier à droite avant la baraque mène au col Vert. Il ne faut pas le prendre. |
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Plan évitant la confusion à cet endroit de la carte IGN topographique 1/25000e. Les numéros renvoient aux images suivantes. |
Lieu-dit Ruine des Clos, 1600m. Attention, les panneaux indicateurs ont dans ces parages un recto et un verso, comme ici. |
On quitte ici les randonneurs allant au pas de l'Œille |
La confirmation ne vient bizarrement qu'a posteriori. Voudrait-on éliminer les randonneurs peu sûrs d'eux-mêmes?... |
La source des Clos, seul point d'eau de toute la montée |
Les lacets mènent jusqu'à la paroi |
Une longue vire horizontale, facile, ne devient étroite que sur de courtes sections |
La vire passe juste devant la célèbre grotte des Deux-Sœurs |
Après la grotte des Deux-Sœurs, la main courante marque la fin de la vire pour ceux qui visent le col des Deux-Sœurs |
En vignette, les vieux câbles enroulés |
Dans le couloir. L'immense grotte est en face, en rive droite. |
Des bouquetins partout |
Une légende pour vous permettre de renvoyer dans les cordes l'écolo qui oserait vous faire ici sa petite leçon naturaliste liberticide habituelle... |
La Grande Moucherolle. En vignette, la partie grimpante. |
Escalade de la Grande Moucherolle |
Non loin du sommet |
On ne se laissera pas tromper par l'échine descendant vers le nord-ouest. Il faut tourner un angle vers la gauche pour trouver le vrai passage. |
Arrivée au Pas de la Balme |
Les névés indiqués sur le cliché alimentent un ruisseau qui coupe (trop tardivement) le balcon Est, permettant de remplir les gourdes. |
Au lieu-dit Les Poules, bien prendre le sentier en longue ascendance jusqu'à Pré Achard et non la branche descendant dans la vallée. |